À peine sorti de prison, le journaliste et militant cambodgien Mam Sonando reprend le combat. De passage au Canada, cet homme déclaré deux fois prisonnier d'opinion par Amnistie internationale estime que son pays est dirigé par un dictateur.

«Si une personne fait ce qu'elle veut, ne tient pas compte de la loi, ne tient pas compte de l'opinion du peuple et fait tout ce qu'elle peut pour se maintenir au pouvoir, moi, je l'appelle un dictateur», a dit M. Sonando en entrevue à La Presse.

M. Sonando faisait référence au premier ministre cambodgien, Hun Sen, qui totalise plus de 27 ans à la tête de son pays. Human Rights Watch place l'homme de 60 ans parmi les dix dirigeants les plus anciens du globe.

Mam Sonando, l'un des plus fervents détracteurs du régime cambodgien, y a fondé une station de radio en 1993. Ses critiques lui ont valu d'être arrêté et condamné trois fois à la prison.

Sa dernière arrestation, survenue l'an dernier, a soulevé les critiques du groupe Human Rights Watch, de Barack Obama et du premier ministre français Jean-Marc Ayrault. M. Sonando a finalement fait renverser son verdict de culpabilité et a été libéré de prison le 15 mars dernier.

Tout juste débarqué d'un avion en provenance de Paris, l'homme de 72 ans a reçu La Presse mercredi dans une maison de LaSalle bondée de Canadiens d'origine cambodgienne qui l'ont accueilli en héros.

Dans un excellent français - il a passé une partie de sa vie en France pour échapper au régime des Khmers rouges -, Mam Sonando a partagé son analyse sur la situation de son pays à la veille des prochaines élections générales, prévues pour le 28 juillet prochain.

Un appel au boycottage

Le premier ministre actuel se présentera de nouveau aux élections, mais il ne s'agit pas du seul à s'attirer les critiques de Mam Sonando.

«Le problème vient aussi des partis de l'opposition, qui n'ont pas la détermination de servir véritablement la patrie et l'intérêt national. Eux aussi aiment le pouvoir», dénonce-t-il.

Selon le militant, le comité électoral est complètement sous l'emprise du parti au pouvoir. Les partis d'opposition dénoncent cette situation pour s'attirer la sympathie de l'électorat, mais veulent ensuite surfer sur cette popularité pour augmenter leur influence... et finissent par participer aux élections truquées.

«Si le comité d'élection ne change pas, l'opposition doit boycotter les élections», croit-il.

De son côté, il affirme vouloir lutter pour établir un État de droit au Cambodge par le journalisme plutôt que la politique.

«Le pouvoir, je m'en fous. L'intérêt personnel, je m'en fous. J'essaie d'apprendre au peuple cambodgien à connaître ses droits. Actuellement, de 30 à 40% des Cambodgiens sont illettrés. Les gens sont terrorisés, ils ont peur et le gouvernement profite de leur ignorance», dit-il.

Ce bouddhiste affirme être prêt à retourner en prison pour faire avancer les droits de ses concitoyens.

«Je n'ai pas peur de la prison. Ce n'est pas que je sois sadique ou maso! , lance-t-il. Mais si je n'ai rien commis d'illégal et qu'on me met en prison, celui qui est le plus malheureux est celui qui me met en prison.»

«Si j'ai peur et que je ferme ma gueule, je trahis mon métier de journaliste», ajoute-t-il.

Optimiste, Mam Sonando?

«Quand on coupe le bois qui est dur, c'est difficile, répond-il. Mais quand le bois est usé et pourri, il suffit parfois d'un coup pour le briser. C'est ce moment que j'attends.»

Né en 1952

Chef du Parti du peuple cambodgien

Élu premier ministre pour la première fois en 1985

Il perd les élections en 1993, mais renverse le premier ministre élu, Norodom Ranariddh, par un coup d'État sanglant.

Human Rights Watch dénonce son refus de juger les anciens dirigeants des Khmers rouges associés à son parti.