Le rapporteur spécial de l'ONU sur la protection des droits de l'Homme dans la lutte antiterroriste, Ben Emmerson, a lancé jeudi une enquête sur les victimes civiles de tirs de drones, pour établir si des crimes ont été commis dans l'utilisation croissante de ces avions sans pilote.

L'enquête va porter sur 25 attaques, menées au Pakistan, au Yémen, en Somalie, en Afghanistan et dans les territoires palestiniens, a précisé cet avocat spécialisé en droit international lors d'une conférence de presse à Londres.

L'objectif est «d'examiner les preuves disponibles montrant que les tirs de drones et les autres formes de frappes ciblées ont provoqué des victimes civiles de façon disproportionnée» et de déterminer s'il y a des «soupçons sérieux d'exécutions extrajudiciaires».

L'enquête, menée par une équipe de dix experts de divers pays, devra ensuite «livrer des recommandations quant au devoir des États de mener des enquêtes complètes, indépendantes et impartiales sur de telles allégations, afin de faire rendre des comptes, et d'accorder des réparations quand il apparaît que les choses ont très mal tourné», a-t-il dit.

Le rapporteur, qui travaillera aussi avec des journalistes, des ONG et des juristes, et qui compte se rendre au Pakistan au Yémen et au Sahel, présentera son rapport en octobre devant l'Assemblée générale des Nations unies.

«L'augmentation exponentielle de l'usage de la technologie des drones dans diverses situations représente un vrai défi pour le droit international actuel», a estimé Ben Emmerson, qui a appelé à la mise en place «urgente» d'un cadre légal pour réguler ces pratiques.

Même si les drones constituent depuis plusieurs années l'un des principaux instruments de la stratégie militaire des États-Unis, l'expert a affirmé que l'enquête ne visait «aucun État en particulier», affirmant que 51 États disposaient de cette technologie.

Selon des données américaines officielles, en Afghanistan, les drones Predator et Reaper de la société américaine General Atomics ont tiré en 2012 quelque 506 missiles, contre 294 en 2011, soit une augmentation de quelque 72%, même si dans l'ensemble le nombre de frappes aériennes conduites par les États-Unis y a chuté de près d'un quart.

Par ailleurs, selon le Bureau of Investigative Journalism, dont le siège se trouve à Londres, entre 2629 et 3461 personnes ont été tuées depuis 2004 par des drones au Pakistan, et entre 475 et 891 civils figuraient parmi ces victimes.

Le rapporteur spécial de l'ONU a affirmé que l'utilisation de ces drones se répandait de plus en plus.

«Ceux qui observent de près la situation actuelle au Mali attendent de voir si les tirs de drones font partie de la réponse militaire des Français ou d'alliés dans cette région d'Afrique», a-t-il commenté, alors que les États-Unis ont dit qu'ils envisageaient d'aider la France par un appui «logistique» et des drones de surveillance.

Il a par ailleurs jugé «difficile d'imaginer qu'on ne verra pas dans un futur proche des acteurs non étatiques, des groupes terroristes utiliser eux-mêmes la technologie des drones pour tuer».

L'expert a souligné qu'il y avait une «absence de consensus» au sein de la communauté internationale sur le cadre légal applicable au recours à ces tirs de drones, et que des discussions étaient en cours à l'ONU sur ce sujet.