Attaques physiques, vitres fracassées, insultes racistes. Plus d'un millier d'Israéliens ont demandé l'expulsion de clandestins africains dans une manifestation qui a tourné à la violence, mercredi soir. Le débat sur le sort de ces demandeurs d'asile, de plus en plus nombreux, prend de l'ampleur en Israël.

Rencontré dans son minidépanneur de Tel-Aviv, Siyoum semblait encore abasourdi par les événements de la veille. Mercredi, une manifestation pour demander l'expulsion des demandeurs d'asile s'est terminée dans la violence. Des commerces et des passants africains ont été pris à partie par les manifestants.

«J'étais dans mon magasin quand j'ai vu une foule courir vers nous, raconte l'Érythréen de 29 ans, en hébreu. Je me suis précipité pour fermer le rideau de fer, mais ils ont réussi à entrer quand même. Ils ont ouvert le réfrigérateur et ont lancé les bouteilles sur le sol.»

Il vit en Israël depuis maintenant cinq ans, avec sa femme et leur fils. Le jeune homme confie n'avoir jamais senti de tension semblable auparavant. «Mais maintenant, nous avons peur», ajoute celui qui, contrairement à nombre de ses compatriotes, possède un permis de travail.

60 000

Depuis 2006, environ 60 000 clandestins ont franchi le Sinaï égyptien pour arriver, à pied, en Israël. La plupart sont originaires du Soudan et de l'Érythrée. Israël ne peut les expulser vers leur contrée d'origine; ils bénéficient d'une protection collective, reconnue par l'ONU en raison des troubles dans leurs pays. Peu d'entre eux accèdent au statut de réfugié. Les permis de travail sont aussi difficiles à obtenir.

La tension monte depuis quelque temps entre les Israéliens et les demandeurs d'asile. Dans les rues de Hatikva, où ont eu lieu les manifestations, des affiches en tigrinya, langue officielle de l'Érythrée, sont visibles dans plusieurs commerces. Dans ce quartier pauvre du sud de Tel-Aviv, au nom évocateur de «l'espoir», la cohabitation est parfois difficile.

«Ce ne sont pas de vrais réfugiés, s'offusque Ilan, dans son atelier de charpentier, à une rue du commerce de Siyoum. Ils viennent en fait pour le travail. Ils volent des emplois aux Israéliens dans un quartier déjà pauvre. Ils créent des problèmes.»

Peur

Plusieurs Israéliens ont confié aux médias vivre dans la peur de ces étrangers. Au début du mois, la police de Tel-Aviv a attribué la hausse du nombre de vols à l'afflux des migrants sans emploi. Des viols collectifs, pour lesquels des demandeurs d'asile ont été arrêtés et certains accusés, ont aussi choqué les Israéliens au cours des dernières semaines.

Plusieurs membres du cabinet se sont prononcés dernièrement en faveur de l'expulsion des clandestins. La députée Miri Regev, du Likoud, parti de Benyamin Nétanyahou, a qualifié de «cancer» l'afflux des migrants illégaux.

La manifestation de mercredi a été organisée par plusieurs figures connues de l'extrême droite en Israël, dont l'élu Michael Ben Ari et le militant Baruch Marzel. Dans une entrevue téléphonique, ce dernier a d'abord condamné les actes de violence, avant d'ajouter rapidement que sans ces heurts, «personne n'écoute». «C'est le gouvernement de Bibi [Benyamin Nétanyahou] qui est responsable de ces violences, a-t-il précisé. Il devrait agir plutôt que de parler.»

Le président et le premier ministre ont condamné les agressions et le vandalisme, pour lesquels 17 personnes ont été arrêtées. Jeudi soir, plusieurs douzaines de manifestants ont marché à Tel-Aviv et à Jérusalem pour dénoncer les actes commis la veille. D'autres Israéliens ont répondu à un appel sur les réseaux sociaux pour aider un commerçant érythréen avec sa vitrine fracassée.

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Soudanais du Sud

Devenu indépendant en juillet, le Soudan du Sud est-il assez sûr pour y expulser les demandeurs d'asile? Le procureur général d'Israël plaidera la semaine prochaine en cour qu'aucun obstacle juridique ne se dresse devant l'expulsion. Les organismes qui viennent en aide aux réfugiés jugent la décision prématurée. Il y aurait entre 700 et 3000 Soudanais du Sud en Israël.