L'un se fait discret, l'autre multiplie les rassemblements. Dimanche, les Sénégalais voteront au deuxième tour d'une élection présidentielle qui départagera les deux adversaires, le chef d'État sortant, Abdoulaye Wade, et son ancien premier ministre, Macky Sall. Alors que la tension augmente, plusieurs redoutent un coup de force au cours du scrutin.

Mbour, ville de tourisme et de pêche, est pris d'assaut par les politiciens. Sur une scène, Macky Sall fait face à la foule. Ce dernier, qui sera l'adversaire du président sortant du Sénégal dimanche prochain, est entouré de 4 des 12 candidats dont la course s'est arrêtée à l'issue du premier tour du scrutin présidentiel. Les huit candidats qui ne sont pas sur place lui ont aussi accordé leur soutien.

«Tous les Éléphants sont là,» jubile Ousmane Tanor Dieng, leader du Parti socialiste, qui a terminé quatrième au premier tour. Il ne cache pas sa joie de voir que les opposants à Abdoulaye Wade font aujourd'hui front commun.

Ensemble, les 13 candidats ont obtenu 65% des voix. Mais Macky Sall ne s'arrête pas à ce chiffre. «Une élection, ça se gagne sur le terrain», souligne Aminata Touré, directrice de cabinet du prétendant.

Depuis le 26 février dernier, Macky Sall multiplie en effet les rassemblements de proximité pour rassurer les électeurs de ses alliés. Devant lui, Abdoulaye Wade se fait discret, voire muet depuis le premier tour. Son équipe de campagne est injoignable.

Comme «le ciel sur la tête»

Lors d'une de ses rares présences sur une chaîne sénégalaise, Abdoulaye Wade, obstiné, a réitéré sa confiance en une victoire. «Il n'y a qu'une seule hypothèse: je gagne. Celle de ma défaite est une hypothèse absurde. C'est comme si je disais que le ciel va nous tomber sur la tête dans une minute.»

«Sa stratégie est claire, selon l'analyste politique Abdou Lo. Il essaie d'aller chercher les grands électeurs. Au lieu de parler aux 5 millions d'électeurs, il préfère rencontrer les chefs religieux, les cadres politiques locaux et ceux qui ont de l'influence. C'est un pari très risqué de sa part.»

Son plus grand coup d'éclat: un «ndigueul», consigne de vote donnée par un chef religieux, Cheikh Bethio Thioune. Samedi dernier, le marabout a réuni ses fidèles pour un immense rassemblement en l'honneur d'Abdoulaye Wade, symboliquement sur la place où l'opposition au président a tenu les siens.

«C'est une arme à double tranchant», observe Abdou Lo. Personnage controversé, M. Thioune a irrité plusieurs autres chefs religieux, mais aussi plusieurs citoyens.

La crainte des fraudes

Sur le terrain, le ton monte. Chaque camp accuse l'autre d'abominations telles que d'être franc-maçon ou candidat de la France. Des journaux favorables à l'opposition annoncent en une que Wade pille les coffres de l'État pour acheter les électeurs et financer une milice. Un dépliant intitulé Votez Macky Sall et l'homosexualité sera dépénalisée circule. Au Sénégal, l'homosexualité est criminalisée et est honnie par une partie importante de la population.

Au-delà des invectives, plusieurs redoutent un climat de violence. Quelques gestes ont marqué la dernière semaine, notamment des vandales qui ont ciblé le matériel de campagne de Macky Sall, mais aussi celui de son allié, le chanteur Youssou N' Dour.

D'autres craignent un coup de force à l'occasion du scrutin de dimanche. «Si Wade gagne, c'est qu'il aura fraudé. Il est désespéré. Mais nous, les Sénégalais, allons nous y opposer», réagit agressivement Aliou Tall, vendeur de journaux.

En amont, les citoyens se mobilisent. Les initiatives se multiplient sur le web. L'association des blogueurs du Sénégal a créé une plateforme d'observation électorale, www.sunu2012.org. Sur les réseaux sociaux, notamment grâce au mot-clic #sunu2012, les citoyens publient en temps réel les problèmes dans les bureaux de vote. À cela s'ajoute une armée d'observateurs nationaux pour renforcer les missions d'observation internationales.

Car si les politiciens n'ont pas dit leur dernier mot, les Sénégalais ont bien l'intention de défendre leur droit de vote.





51,6%

Au premier tour, le 26 février dernier, seulement 51,6% des Sénégalais ont voté. Pour le clan Wade, ils se sont abstenus par crainte de possibles violences. Pour le clan Sall, le taux d'abstention serait gonflé par quelque 40 000 personnes qui n'ont pu retirer leur carte d'électeur. Dimanche, ces électeurs qui n'ont pas voté pourraient faire pencher le vote d'un côté... ou de l'autre.