Depuis un an, 15 États américains ont promulgué des lois controversées visant à combattre la fraude électorale. Demain, ces lois recevront une attention internationale quand un groupe américain de défense des minorités déposera une plainte devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève.

Les militants soutiennent que les lois empêcheront des millions de Noirs et de Latinos de pouvoir voter à l'élection présidentielle de novembre.

«Depuis un an, plus d'États dans ce pays ont passé des lois qui empêchent les électeurs de voter qu'à n'importe quel moment depuis l'ère de Jim Crow», a dit Benjamin Jealous, président de l'Association nationale pour l'avancement des gens de couleur (NAACP), qui mène la délégation.

Le groupe compte demander aux Nations unies d'ouvrir une enquête sur la question. Le NAACP veut aussi inviter un groupe d'observateurs à visiter différents États américains afin d'évaluer la situation.

«Nous espérons qu'ils vont venir ici regarder l'impact de ces lois, regarder les motifs qui ont mené à leur adoption, et déposer des recommandations sur les actions à prendre», a déclaré M. Jealous, jeudi dernier.

La nouvelle législation la plus répandue est celle qui oblige les électeurs à fournir une pièce d'identité officielle avec photo, comme un permis de conduire. Elle a notamment été adoptée au Texas, au Tennessee et en Caroline-du-Sud.

Selon les critiques, des millions de personnes âgées, de Noirs et de Latinos ne possèdent pas une telle pièce d'identité, et ne pourront donc pas voter. Jusqu'ici, les électeurs pouvaient présenter leur carte de sécurité sociale, délivrée par le gouvernement fédéral, qui ne comprend pas de photo.

Le sujet fait l'objet d'une enquête du département de la Justice des États-Unis. Hier, celui-ci a interdit au Texas de mettre sa nouvelle loi en application, car celle-ci a comme effet «d'empêcher disproportionnellement les électeurs hispaniques d'exercer leur droit de vote».

Valeur morale

Le fait de faire appel aux Nations unies pour dénoncer des mesures américaines n'est pas nouveau pour le NAACP, note le journaliste américain William Douglas.

«C'est une stratégie qui a ses racines dans les années 40 et 50, quand le NAACP a fait appel aux Nations unies et à la communauté internationale pour appuyer ses batailles pour les droits civils des Noirs et pour combattre le lynchage.»

Les résolutions du Conseil des droits de l'homme des Nations unies n'ont pas de valeur juridique aux États-Unis. Le NAACP dit ouvertement utiliser cette tactique pour amener un éclairage international sur la question, et jeter du déshonneur sur les États concernés. «La honte en elle-même est efficace, a dit M. Jealous. Les États-Unis et les différents États concernés veulent garder leur image de démocratie exemplaire. Cela a de la valeur.»

Le représentant démocrate de la Géorgie, John Lewis, a dit qu'il ne savait pas si les demandes de la délégation allaient être accueillies favorablement par les Nations unies, mais l'effort en vaut la peine. «Si c'est ce qu'il faut pour attirer l'attention sur le problème, qui d'ailleurs ne concerne pas seulement les États du Sud, c'est probablement une bonne chose.»

Soutenues par les élus républicains et les groupes conservateurs, les nouvelles lois font plus de tort que de bien, selon leurs opposants. Une étude indépendante du Brennan Center publiée l'an dernier a conclu qu'un citoyen est statistiquement plus susceptible d'être frappé par la foudre que de prendre une fausse identité pour voter illégalement.