Les États-Unis croient aider le Moyen-Orient, mais ils n'y créent que des problèmes, estime Vicente Fox. Lors de son passage à Québec, dimanche, l'ancien président mexicain a sévèrement critiqué la politique américaine dans le conflit israélo-palestinien et dans le printemps arabe.

«Il n'y a que les citoyens et les gouvernements locaux qui devraient prendre les décisions. Pas Obama. Obama ne devrait même pas donner son opinion. C'est ça, le problème avec les États-Unis. Ils interviennent partout. Ils pensent qu'ils apportent des solutions, mais ils n'apportent que des problèmes. M. Obama devrait rester silencieux et laisser les gens de ces pays décider de leur avenir», a fustigé M. Fox. Il croit que les Américains devraient se contenter d'identifier les leaders locaux et les aider à prendre les rênes de leur pays.

Et leur rôle de médiateur dans ces conflits? «Si les gouvernements locaux ne sont pas capables d'en arriver à un accord, c'est à cela que servent les Nations Unies. Ce devrait être un effort multilatéral, pas la décision d'un leader, même si c'est le président des États-Unis», a-t-il répondu.

M. Fox participait à l'InterAction Council, un groupe d'anciens dirigeants coprésidé par Jean Chrétien. Plus de 20 de ses 33 membres participaient à la rencontre annuelle, incluant l'ancien président américain Bill Clinton, qui n'assistait qu'à la première des trois journées de la rencontre. Parmi les autres participants: les anciens présidents et premiers ministres Gro Brundtland (Norvège), Yasuo Fukuda (Japon), Fernando de la Rua (Argentine), l'ex chancelier allemand Helmut Schmidt et M. Fox, président du Mexique de 2000 à 2006.

Il ne s'agit pas de la première salve que M. Fox envoie au président Obama. Il y a trois semaines, il accusait la consommation de drogue des Américains d'alimenter la sanglante guerre des narco-trafiquants qui déchire le Mexique - près de 40 000 morts dans les cinq dernières années. La lutte à la drogue de l'administration Obama n'aidait en rien, constatait-il. Sa solution: légaliser la drogue.

Vers une autre crise financière?

Les discussions du groupe se font à huis clos. Parmi les sujets qui doivent être abordés: l'eau, l'énergie et l'armement nucléaire, l'instabilité au Moyen-Orient et l'économie. En 2008, peu avant la crise, le Conseil affirmait qu'une crise financière était imminente. Dans leur discours d'ouverture, MM. Chrétien et Schmidt se sont inquiétés à nouveau de l'économie mondiale. Les mesures de stimulation ont permis «d'éviter le désastre» d'une dépression, a indiqué M. Chrétien. Mais maintenant, l'inflation, cette «silencieuse tueuse d'espoir», menace la reprise. M. Schmidt a dénoncé le «manque de leadership» des dirigeants des deux côtés de l'Atlantique. La crise a été provoquée par un «profond manque de régulation», «l'insouciance des grandes banques» et «l'avarice» des banquiers en investissements. Et ces conditions sont loin d'être disparues. Une nouvelle crise pourrait survenir d'ici quelques années, a-t-il prévenu.

Les délibérations du Conseil sont-elles utiles? M. Chrétien le souhaite. «On discute, on fait des rapports, on les publie et on les envoie aux gouvernements, a-t-il lancé. Qu'est ce qu'ils en font? On ne sait pas.»

L'eau, un droit

L'accès à l'eau potable devrait être un droit. C'est ce que recommande le InterAction Council dans un récent rapport sur l'eau, qui doit servir de base aux discussions qui se poursuivent à Québec jusqu'à demain. Parmi les 14 autres recommandations du rapport: fixer un prix à l'eau qui reflèterait son coût réel, tout en assurant son accès aux plus démunis. Et encourager la ratification de la Convention de l'ONU sur les cours d'eau. Elle a été signée en 1997, mais moins de 20 pays l'ont ratifiée. Il en faudrait 35 pour qu'elle entre en vigueur.

La rareté de l'eau pourrait causer des conflits armés dans les prochaines années, craignent Jean Chrétien et Vicente Fox. «Si un pays utilise un fleuve et l'assèche, le pays en bas, il n'a pas d'eau. Regardez la géographie: dans bien des continents, un fleuve quitte un pays pour aller dans l'autre. Et ils n'ont pas de passeport, eux autres», a expliqué l'ancien premier ministre du Canada.

Il s'étonne de la vigueur de l'industrie de l'eau embouteillée. «À ce moment-ci, on vend (de l'eau) en bouteille. Je trouve ça un peu drôle qu'au Canada, on achète l'eau en bouteille.»

Il se prononce en faveur du maintien des activités de la seule centrale nucléaire du Québec, Gentilly-2. Si rien n'est fait, elle s'éteindra à l'été 2013. Sa réfection coûterait deux milliards, et sa fermeture 1,5 milliards. M. Chrétien n'estime pas que les craintes d'une catastrophe justifient qu'on ferme la centrale. «On n'a pas eu de troubles avec elle. Elle fonctionne bien. Le (réacteur) CANADO n'a jamais eu d'accidents.» Il ajoute qu'aucune activité ou lieu n'est à l'abri du risque. «C'est certain, l'édifice ici (l'Assemblée nationale) peut s'écraser. On peut tous mourir en cinq secondes, mais ça ne m'inquiète pas trop.»