Tout a commencé avec un toast. Il y a 50 ans, Amnistie internationale était mise sur pied pour défendre deux jeunes Portugais arrêtés pour avoir levé leur verre à la liberté. Depuis cette première bataille, l'organisation a fait campagne pour la libération de milliers de prisonniers d'opinion. Et selon la militante zimbabwéenne Jenni Williams, la méthode Amnistie a peut-être gagné en âge, mais fonctionne toujours un demi-siècle plus tard.

38 fois, on lui a passé les menottes. 38 fois, elle a abouti dans des cellules poisseuses dont le sol était jonché d'excréments. Et presque autant de fois, elle a cru que c'était peut-être le moment où elle y passerait. Mais immanquablement, le téléphone s'est mis à sonner, les lettres ont commencé à arriver par centaines et ses geôliers ont su qu'ils n'avaient pas carte blanche.

«Je ne veux pas faire de mélodrame, mais je peux dire que si Amnistie internationale n'avait pas été là, je serais probablement morte aujourd'hui», dit, un grand sourire aux lèvres, Jenni Williams. Co-fondatrice et tête de proue de l'organisation WOZA (Femmes du Zimbabwe debout), Mme Williams est l'épine dans le pied du président Robert Mugabe, qui gouverne le pays africain d'une main de fer depuis 1980.

Depuis 2003, Jenni Williams et les membres de son organisation il y en a aujourd'hui 80 000 manifestent pacifiquement pour des causes qui leur tiennent à coeur: «du pain et des roses», résume la Zimbabwéenne, qui est de passage à Montréal cette semaine à l'invitation d'Amnistie. «Nous nous battons pour ce qui touche le plus les femmes du Zimbabwe dans leur vie de tous les jours», explique la militante des droits civils. Cela inclut la sécurité alimentaire dans un pays à l'inflation galopante et au taux de chômage dépassant 95%, l'éducation gratuite pour les enfants, l'alimentation en électricité et la création d'emplois dans le secteur informel.

Mais ces demandes, même portées par des femmes armées seulement de fleurs, font bondir les autorités. La plupart des manifestations se terminent par des arrestations de une, dix, 180 manifestantes. «On nous amène dans les cellules des postes de police. On nous fait dormir par terre dans des conditions immondes. On nous nourrit à peine, avec des portions mesurées en cuillère à café. On nous interdit le papier de toilette, les serviettes hygiéniques», énumère Mme Williams.

Une des militantes de WOZA est morte en détention. Mme Williams a elle-même été menacée de mort à maintes reprises, kidnappée et gardée en isolement.

«Quand on vit des moments aussi difficiles, le soutien d'Amnistie change tout. On sait que les gardiens de prison agissent différemment quand le téléphone sonne».

L'organisation internationale qui fête ses 50 ans aujourd'hui a organisé plusieurs campagnes pour Mme William, sa cofondatrice Magodonga Mahlangu et leurs compagnes de combat depuis 2004. Et devra fort probablement continuer à le faire.

Jenni Williams n'a aucune intention de baisser les bras. «Nous voulons montrer à nos leaders que nous aimons notre pays encore plus qu'eux».

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50 ans de grans combats

1961 - Amnistie internationale (AI) est créé pour défendre deux jeunes Portugais arrêtés pour avoir porté un toast à la liberté

1964 - L'organisation soutient la cause de Nelson Mandela et assiste à son procès

1965 - Les «prisonniers d'opinion» deviennent la première grande cause d'Amnistie

1977 - Amnistie internationale reçoit le Prix Nobel de la Paix

1980 - L'organisation fait campagne pour l'abolition de la torture et de la peine de mort

1985 - Amnistie prend la défense des réfugiés

1998 - Amnistie remporte son combat pour la création d'une cour pénale internationale

2001 - En plus des droits politiques, Amnistie commence son combat pour les droits économiques, sociaux et culturels

2002 - L'organisme s'intéresse au sort des prisonniers de la guerre au terrorisme

2008 - Une vaste campagne sur les droits de la personne en Chine est lancée dans le cadre des Jeux olympiques de Pékin

2009 - Amnistie se lance dans une vaste campagne contre l'injustice et l'exclusion qui condamnent des millions de pauvres à la misère.

2011 - L'organisme fête ses 50 ans et invite ses partisans à porter un toast à la liberté. À Montréal, les célébrations auront lieu dans le Vieux-Port