Les Américains n'ont pas mis de temps à réagir à la mort d'Oussama ben Laden. Peu avant minuit, hier soir, plusieurs centaines se massaient devant la Maison-Blanche à Washington. Certains entonnaient leur hymne national. D'autres brandissaient des drapeaux américains. Tous manifestaient leur enthousiasme d'une façon ou d'une autre. Oussama ben Laden était un puissant symbole et sa mort est un événement incontestablement marquant en sol américain.

Jusqu'à quel point? Quelles seront les implications de sa disparition sur la situation politique aux États-Unis? Nous avons joint tard hier soir le directeur de la chaire d'études politiques et économiques américaines à l'Université de Montréal, Pierre Martin, pour en discuter.

Q: Les Américains allaient, dans quelques mois, souligner le 10e anniversaire des attaques du 11 septembre 2001. Ils apprennent aujourd'hui la mort d'Oussama ben Laden. Qu'est-ce que cet événement représente pour eux?

R: Je pense que ça représente un immense soupir de soulagement. Il y a énormément d'Américains qui ont été frustrés par l'incapacité de leurs dirigeants de trouver les responsables des attaques du 11 septembre 2001. Si bien qu'on donnait l'impression d'avoir un peu mis ça de côté.

Q: La mort d'Oussama ben Laden représente-t-elle une victoire pour le président Barack Obama?

R: S'il est clairement établi que ça s'est fait sous son commandement, ça aura un impact sur son image de leader. Il y a plusieurs qui pensent qu'il manque de cran, qu'il manque de vision en matière de sécurité nationale, qui le critiquent pour sa mollesse... On va lui donner plus de crédit. Pour le reste, tout va dépendre de la suite des choses. Si ça se traduit par une recrudescence de la violence de la part d'Al-Qaïda, qui place les Américains en situation de faiblesse, c'est évident qu'Obama fera face à plus de tests. Cela dit, les Américains ont tendance à se rallier autour de leur leadership à l'occasion d'événements de ce genre, à donner le bénéfice du doute à leur président. Obama pourrait donc bénéficier de ce ralliement de l'opinion publique s'il y a une recrudescence de la violence.

Q: Il ne faudrait toutefois pas sauter aux conclusions et affirmer qu'Obama vient d'assurer sa réélection en 2012.

R: Non, c'est clair. C'est sûr que c'est positif, mais la route est longue jusqu'à ce jour-là. Toutes sortes d'événements vont s'accumuler au cours des prochaines semaines pour rendre la situation et ses implications politiques plus complexes. Par ailleurs, la Maison-Blanche de George W. Bush va revenir sous la loupe par rapport à son échec face à la poursuite d'Oussama ben Laden. Et ça va alimenter les débats partisans, les conflits et les inimitiés entre les deux partis politiques.

Q: Dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, jusqu'à quel point cet événement est-il significatif?

R: Il est possible que ça déclenche une crise de leadership qui pourrait affaiblir l'organisation terroriste Al-Qaïda, mais j'en doute. Ce qui risque de se passer, c'est que ceux qui vont lui succéder, pour établir leur leadership, vont avoir tendance à faire des actions d'éclat justement pour prouver qu'ils sont dignes du leadership de l'organisation. Donc, même s'il y a moins de cohésion, il pourrait y avoir plus d'activités au cours des prochaines semaines.

Q: Oussama ben Laden deviendra-t-il un martyr? Les Américains doivent-ils s'attendre à des représailles?

R: Je pense que ç'a probablement déjà été compris par les Américains. Leur niveau d'alerte a sûrement été relevé en conséquence. Ce serait un minimum de prudence que de le faire. Car même si on ne s'attend pas à une réplique immédiate, on pourrait certainement parler de réplique imminente.