La Suisse a annoncé lundi avoir suspendu ses projets de renouvellement de centrales nucléaires tandis que l'inquiétude ne cesse de grandir au Japon à propos de réacteurs de plusieurs centrales nucléaires.

À l'issue d'une réunion avec des experts, la ministre de l'Énergie, Doris Leuthard, «a décidé de suspendre les procédures en cours concernant les demandes d'autorisation générale pour les centrales nucléaires de remplacement», indique son ministère dans un communiqué.

Mme Leuthard a chargé l'inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) d'analyser les «causes exactes de l'accident survenu au Japon et d'en tirer les conclusions s'agissant de l'élaboration éventuelle de nouvelles normes plus strictes, notamment en matière de sécurité sismique et de refroidissement».En outre, l'IFSN a été chargée d'anticiper le réexamen de la sécurité des centrales nucléaires existantes.

«La sécurité a la priorité absolue», a souligné la ministre.

En France

Les graves incidents dans les centrales nucléaires japonaises relancent un vif débat en France sur la transparence des informations et sur les dangers de l'énergie atomique qui fournit 75% de l'électricité du pays et constitue l'un de ses fleurons technologiques.

Appels à sortir du nucléaire, demandes de référendum ou critiques sur la sécurité, les prises de positions se sont multipliées en France, alors que les chaînes de télévision diffusaient les images d'explosions à la centrale de Fukushima (nord-est du Japon), après le puissant séisme de vendredi suivi d'un tsunami.

«Il faut se poser la question de la nécessité de l'énergie nucléaire. Tout le monde le dit: n'est-il pas temps de tirer la sonnette d'alarme et de concevoir une sortie du nucléaire ?», a déclaré Daniel Cohn-Bendit, l'un des chefs de file du mouvement écologiste en France. «La gauche devrait mettre à son programme un référendum» sur ce sujet, a ajouté le député européen.

Les écologistes affirment que les 58 réacteurs français, répartis sur 19 centrales, ne sont pas l'abri de toute menace, bien que le risque sismique ne soit en rien comparable avec le Japon. Ils soulignent surtout le vieillissement des installations françaises, souvent trentenaires, alors que l'un des réacteurs japonais qui a explosé dépassait les 40 ans d'âge.

La centrale de Fessenheim (nord-est) cristallise les inquiétudes. Elle est entrée en service en 1977 et se trouve dans une zone sismique à aléa moyen.

Mais le gouvernement se veut rassurant: les centrales françaises ont été «préparées à faire face aux risques naturels», selon la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Fessenheim a été conçue pour résister à un séisme supérieur au plus puissant connu, celui de 1356 à Bâle (Suisse, situé à 80 km), a-t-elle dit.

La France va «tirer les enseignements utiles des événements japonais» pour son propre système d'exploitation d'énergie nucléaire, a aussi assuré dimanche le Premier ministre François Fillon.

L'enjeu est de taille car la France a choisi dans les années 1970 de se lancer dans le «tout nucléaire» pour être indépendante du pétrole.

Elle dispose du deuxième parc de centrales au monde derrière les États-Unis, et a fait de sa filière nucléaire un des piliers de sa puissance économique et industrielle avec des grands groupes comme Areva ou EDF (Électricité de France).

La France plaide régulièrement pour le développement du nucléaire civil à l'échelle mondiale. S'attirant les critiques des écologistes, elle présente l'atome comme une énergie propre, à même de soutenir les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Moins virulent que les écologistes, le Parti socialiste (opposition) reconnaît que «le risque «zéro» n'existe pas», et appelle à «un débat véritablement démocratique et transparent».

La transparence est l'autre grand enjeu du débat en France, où tout le monde garde en mémoire la catastrophe de Tchernobyl. Les autorités avaient longtemps nié l'impact en France de l'accident de la centrale ukrainienne en 1986, et cet épisode était resté comme un exemple de désinformation.

Le gouvernement assure aujourd'hui que les conséquences en ont été tirées. Le ministre français de l'Industrie et de l'Énergie Éric Besson affirmait ainsi lundi matin que «la situation est préoccupante» au Japon et ajoutait qu'on ne pouvait écarter la possibilité qu'il s'agisse d'une «catastrophe».