Le nouveau traité START de réduction des arsenaux stratégiques, ratifié mercredi par le Sénat américain, vaut bien plus pour le compromis diplomatique qu'il scelle avec Moscou que pour les limites fixées en matière d'armes qu'aucune des deux parties n'allait probablement utiliser, traité ou pas traité.

En dépit du scepticisme de certains républicains craignant que les Etats-Unis perdent à dessein leur avantage nucléaire, l'administration Obama juge ce traité avantageux en termes de désarmement, car il contribuera probablement à s'assurer de la coopération de la Russie pour le projet américain de bouclier anti-missiles destiné à protéger l'Europe.

Mercredi, le Sénat américain a ratifié le traité par 71 voix contre 26 lors d'un vote qui devrait être rapidement suivi par celui des parlementaires russes.

L'aval des sénateurs constitue une victoire nette pour la Maison Blanche après des semaines pendant lesquelles a plané l'incertitude sur la capacité de Barack Obama à rallier suffisamment de voix dans le camp républicain. Le président américain avait publiquement fait de l'approbation du traité sa plus haute priorité en matière de politique étrangère cette année.

«Il s'agit de l'accord de contrôle d'armements le plus significatif en près de deux décennies», s'est félicité Barack Obama, peu après le vote du Sénat, en assurant que le texte renforcerait la sécurité des Etats-Unis et autoriserait les inspecteurs américains à retourner sur des bases nucléaires russes.

«Nous continuerons à faire avancer nos relations avec la Russie qui sont essentielles pour progresser» face à toute une série de «défis», a ajouté Barack Obama.

Le nouveau traité START est la pièce centrale d'efforts mutuellement déployés par Washington et Moscou pour réparer des relations mises à mal par des années d'administration Bush.

Le président de la Douma, Boris Gryzlov, a précisé jeudi que la chambre basse du Parlement pourrait ratifier le traité dès vendredi, si la résolution de ratification du Sénat américain «ne changeait pas le texte». De son côté, le président Dimitri Medvedev a salué le vote des sénateurs américains, exprimant l'espoir que les élus des deux chambres du Parlement russe leur emboîtent le pas, selon sa porte-parole Natalia Timakova.

L'accord, signé en avril par les deux chefs d'Etat, remplace le traité de réduction des arsenaux stratégiques de 1991, arrivé à échéance le 5 décembre 2009. Il limite à 1.550, au lieu de 2.200 -plafond fixé par un accord de 2002-, le nombre d'ogives nucléaires stratégiques de chacun des pays. Il établit également un système de surveillance et de contrôle. Les inspections américaines d'armement se sont achevées l'an dernier avec l'expiration du traité START-1.

Mais cette réduction ambitieuse des arsenaux nucléaires a été compromise quand Barack Obama a obtenu le soutien de l'OTAN en novembre à l'installation d'un bouclier anti-missiles en Europe. L'engagement à établir ce bouclier, qui vise ostensiblement l'Iran, est demeuré l'un des grands sujets d'irritation entre les deux pays jusqu'à ce que le chef de la Maison Blanche renonce à installer certains de ses éléments à la porte de la Russie.

Son nouveau projet a reçu un accueil poli mais réservé à Moscou, suffisant toutefois à rassurer les conseillers du président américain. Une bataille publique avec la Russie sur la défense anti-missiles aurait en effet pu faire sombrer le nouveau traité alors qu'il ne restait que quelques semaines avant la fin de l'actuelle session parlementaire.

Avec l'approbation du Sénat, l'administration américaine peut souffler. Car prolonger en 2011 le débat sur le traité aurait rendu son adoption plus difficile et attisé la grogne russe face à la lenteur du processus aux Etats-Unis et aux souhaits des républicains d'en modifier certains éléments.

Les Russes ont également semblé respirer un peu mieux. Le traité s'écarte de «la mentalité de la Guerre froide» et «démontre» l'attention portée par la Russie et les Etats-Unis à la sécurité internationale au XXIe siècle, a estimé le sénateur Mikhaïl Margelov, du Conseil de la Fédération de Russie (chambre haute du Parlement).

Reste que les opposants au Sénat américain, emmenés par le républicain Jon Kyl, ont souhaité des garanties sur l'efficacité des arsenaux nucléaires restants. L'administration a promis 85 milliards de dollars (65 milliards d'euros) pour maintenir ces arsenaux au cours des dix prochaines années, dont 4,1 milliards de dollars (3,1 milliards d'euros) récemment pour tenter de calmer les inquiétudes des sceptiques.