Le site WikiLeaks, victime d'une attaque informatique après avoir commencé à diffuser une énorme quantité de documents diplomatiques américains secrets, forçait les Etats-Unis à revoir le dispositif de communication interministérielle mis en place depuis le 11 Septembre.

WikiLeaks affirmait mardi avoir obtenu 3456 notes, certaines confidentielles, de l'Institut américain de Taïwan, qui joue le rôle d'ambassade dans l'île, mais ses intentions quant à leur éventuelle publication n'étaient pas claires.

Or, le rôle des Etats-Unis à Taïwan est une question sensible pour la Chine, qui ne reconnaît pas l'île nationaliste. Washington, qui a coupé tous ses liens diplomatiques avec Taïwan en 1979, n'en reste pas moins son principal fournisseur d'armes. Des responsables américains et taïwanais ont manifesté leurs inquiétudes quant à ces possibles révélations.

La Chine a mis en garde contre «toute perturbation des relations sino-américaines» après que certaines notes divulguées par WikiLeaks ont mis en évidence le mécontentement de Pékin, mais aussi son impuissance, face à son allié nord-coréen.

WikiLeaks dit avoir obtenu 250 000 télégrammes diplomatiques américains, qui ont commencé à être diffusés ce week-end.

Ces notes révèlent entre autres que les pays arabes ont suggéré aux Américains d'être sans scrupules vis-à-vis des prisonniers de Guantanamo, ou que le président égyptien Hosni Moubarak était favorable à l'installation d'un dictateur en Irak.

Ces fuites ont été qualifiées de «criminelles» par le gouvernement américain. La diffusion de ces documents est «illégale, irresponsable et dangereuse», a renchéri l'Otan.

Ni WikiLeaks, ni les autorités américaines n'ont expliqué comment ces notes avaient pu se retrouver en possession du site, mais les soupçons convergent vers un ancien soldat en rupture de ban de l'armée américaine, Bradley Manning, 23 ans, spécialiste du renseignement.

Un haut responsable du Pentagone, qui a requis l'anonymat, a indiqué que l'administration allait revoir le système de partage d'informations qui relie les différents ministères entre eux et aurait permis à ce simple soldat de mettre la main sur cette montagne d'informations. Le département d'Etat a indiqué de son côté avoir temporairement suspendu l'accès du Pentagone à une partie de sa correspondance.

Mais le ministre américain de la Défense, Robert Gates, a minimisé l'impact de ces fuites pour la politique étrangère américaine.

«Est-ce que c'est embarrassant? oui. Est-ce que c'est délicat? oui, mais les conséquences pour la politique étrangère sont assez modestes», a-t-il déclaré.

WikiLeaks, de son côté, a annoncé mardi sur son fil Twitter qu'il était victime d'une nouvelle attaque informatique par déni de service (DDOS), plus forte que celle qu'il a déjà subie dimanche, ce qui ne l'avait pas empêché alors de transmettre les notes aux journaux El Pais, Le Monde, Der Spiegel, The Guardian et au New York Times.

Par ailleurs, des dissidents de WikiLeaks, en désaccord avec son fondateur controversé, l'Australien Julian Assange, ont annoncé mardi vouloir lancer leur propre site.

M. Assange, contre qui un mandat d'arrêt international a été lancé pour une affaire de viol présumé en Suède, a été critiqué pour sa gestion autoritaire de l'organisation.

«Nous nous sommes séparés de WikiLeaks parce que quelques ex-membres de WikiLeaks ont été très mécontents de la façon dont Assange a géré les choses», a déclaré un ancien membre islandais, Herbert Snorrason.

WikiLeaks ne s'est pas attiré que des critiques: le président vénézuélien Hugo Chavez, pourtant décrit comme «fou» dans un câble par un diplomate français, a salué son initiative, et l'Equateur s'est dit prêt à accueillir Julian Assange.

Quant au patron du renseignement extérieur russe, Mikhaïl Fradkov, il n'a pas caché que son gouvernement comptait faire bon usage de ces fuites. «Ces données constituent une matière première riche à analyser», a-t-il dit.