Les dizaines de milliers de documents secrets américains que WikiLeaks est sur le point de diffuser concernent «tous les grands sujets», a déclaré dimanche le dirigeant du site internet, Julian Assange, lors d'une visioconférence de presse avec des journalistes en Jordanie.

«Les documents que nous nous apprêtons à publier concernent tous les grands sujets dans tous les pays du monde» y compris «les pays arabes», a-t-il répondu aux journalistes qui lui demandaient si la nouvelle fuite concernerait à nouveau la guerre en Irak ou en Afghanistan.

Julian Assange a indiqué aux journalistes présents qu'il s'adressait à eux par visioconférence car «la Jordanie n'est pas le pays le plus sûr quand on a la CIA à ses trousses». Il n'a pas précisé d'où il s'exprimait.

WikiLeaks s'apprêterait à diffuser dans les prochaines heures des documents de toutes sortes émanant des ambassades américaines dans le monde entier, une perspective qui donnait la migraine à de nombreux gouvernements alors que Washington a multiplié les contacts avec ses partenaires pour amortir le choc.

Julian Assange a évalué le nombre de documents à plus d'un quart de million.

«J'ai passé une bonne partie de mon énergie et de mon temps pendant le mois écoulé à préparer la publication à venir de l'histoire de la diplomatie américaine», a-t-il déclaré lors de la conférence organisée par l'association des reporters arabes pour le journalisme d'investigation (ARIJ).

«Ces 250 000 documents secrets émanent d'ambassades américaines dans le monde entier, et nous avons déjà pu constater que pendant la semaine passée, les États-Unis ont réagi en tentant d'amortir les effets que cela pourrait avoir», a-t-il ajouté.

Des pays se préparent aux révélations

Les autorités américaines ont prévenu plus d'une dizaine de pays, dont les alliés stratégiques que sont l'Australie, la Grande-Bretagne, le Canada, Israël et la Turquie.

Les États-Unis ont rejeté samedi soir toute négociation avec WikiLeaks, en affirmant que le site internet spécialisé les détenait en violation de la loi américaine et que c'était une démarche «dangereuse».

Dans une lettre adressée à Julian Assange et son avocat, dont les médias ont eu une copie, le département d'État américain a estimé que les fuites attendues mettraient en danger «la vie de nombreux individus innoncents».

M. Assange a rejeté cette accusation dimanche.

«Notre organisation a quatre ans d'expérience dans la publication de documents», a-t-il souligné.

«Autant que nous sachions, et autant que quiconque ait porté des accusations un tant soit peu crédibles, pas un seul individu n'a été mis en danger à la suite de quoique ce soit que nous ayons publié», a-t-il affirmé.

Londres craint une colère des musulmans

Le gouvernement britannique a mis en garde contre le risque encouru par ses ressortissants au Pakistan, en Irak, en Iran ou dans d'autres pays musulmans en réaction à des commentaires «anti-musulmans» dans des documents que pourrait publier Wikileaks, selon le Sunday Times.

Le gouvernement britannique craint que certaines conversations entre diplomates contiennent des critiques sur des points sensibles faites soit par les États-Unis soit par la Grande-Bretagne «qui pourraient inciter à décrire la Grande-Bretagne comme alliée au grand satan pour attaquer l'islam», a indiqué un responsable du gouvernement non identifié au journal dominical.

Le ministère de la Défense britannique a demandé aux rédacteurs en chef des journaux de «garder à l'esprit» les implications possibles pour la sécurité nationale de la publication de ces documents diplomatiques.

Les autorités britanniques ont indiqué que certaines informations pourraient faire l'objet d'accord entre le gouvernement et les médias pour ne pas diffuser des données sensibles liées à des opérations militaires ou aux services de renseignement.

Incidents diplomatiques en vue

Un journaliste du quotidien britannique The Guardian a confirmé que son journal publierait lundi de larges extraits de ces documents, dont certains devraient révéler la piètre opinion qu'avait l'administration américaine de l'ex-premier ministre britannique Gordon Brown, mais aussi de l'actuel hôte de Downing Street David Cameron.

«Cela va donner une idée franche de la vision américaine des leaders mondiaux et aussi l'inverse», a dit le journaliste Simon Hoggart, interrogé sur la chaîne BBC1.

«Cela va être certainement gênant pour Gordon Brown mais encore plus pour David Cameron qui n'était pas très bien considéré par l'administration Obama ou par l'ambassadeur (américain) ici».