Soupçonné d'avoir commis des crimes de guerre lors de l'offensive finale contre les Tigres tamouls, le gouvernement du Sri Lanka promet de répondre aux inquiétudes internationales en mettant sur pied sa propre enquête. Cette suggestion a fait sortir de ses gonds l'organisation Human Rights Watch, qui réclame une version sri-lankaise du rapport Goldstone.

«Le gouvernement (du Sri Lanka) crée un écran de fumée pour ne pas avoir à répondre de ses actes. Seule une enquête internationale indépendante permettra de déterrer la vérité au sujet de cette guerre brutale et de rendre justice aux victimes», a tonné hier Brad Adams, directeur de HRW en Asie.

Il donne en exemple l'enquête qu'a menée l'avocat sud-africain Richard Goldstone dans la bande de Gaza à la demande de l'ONU. Dans son rapport final, le juriste blâme à la fois Israël et le Hamas pour les violations des droits humains commis pendant l'offensive de janvier, tuant 1387 Palestiniens et 13 Israéliens.

Décrié par Israël, le rapport qui a émané de la commission d'enquête sera bientôt débattu devant l'Assemblée générale des Nations unies.

Lourd rapport

Dans un document rendu public jeudi dernier, le département d'État américain a fait l'examen de plusieurs allégations de violations du droit de la guerre commises au Sri Lanka entre janvier et mai 2009. À la fin de l'offensive, le gouvernement sri-lankais a annoncé avoir remporté la guerre contre les Tigres tamouls, qui, depuis 25 ans, se battaient pour obtenir un État souverain pour la minorité tamoule du pays. Selon l'ONU, plus de 7000 civils ont été tués pendant cette fin de conflit sans merci.

Dans son rapport, le département d'État fait à la fois peser les allégations sur la guérilla armée tamoule et le gouvernement sri-lankais, contrôlé par la majorité ethnique cinghalaise. Exécutions arbitraires, bombardements de civils, échec à fournir eau, nourriture et médicaments aux déplacés de guerre font partie des actes reprochés au gouvernement. Les Tigres tamouls sont pour leur part soupçonnés d'avoir enrôlé des enfants-soldats et utilisé des civils comme boucliers humains.

Concluant que son rapport n'est pas un acte d'accusation en bonne et due forme, le département d'État a demandé une enquête plus approfondie.

Une enquête «maison»

Lundi, le gouvernement de Colombo a répondu au rapport américain en annonçant qu'il nommera un comité d'experts «maison» pour faire la lumière sur toute l'affaire. Depuis les événements du printemps, le président Mahinda Rajapakse soutient que l'armée a tout fait pour protéger les victimes et affirme que les allégations de crimes de guerre sont l'invention de la diaspora tamoule, enragée de voir les Tigres défaits. La Russie, un des principaux alliés du pays de l'Asie du Sud, a applaudi l'initiative de Rajapakse.

Cependant, tout comme Human Rights Watch, le haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU croit que ce serait une erreur monumentale de laisser une partie au conflit enquêter sur ses propres actes. À ce jour, toutefois, le secrétaire général de l'ONU, souvent critiqué pour son inaction dans le dossier sri-lankais, n'a pas ordonné la mise sur pied d'une commission à la Goldstone.