Le président sortant de la Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali, qui dirige le pays d'une main de fer depuis plus de 20 ans, a été réélu dimanche pour un cinquième mandat de cinq ans.

Le chef d'État de 73 ans a vu son soutien officiel glisser légèrement sous la barre de 90%, à l'issue d'un scrutin décrit comme une «farce» par les opposants du régime, qui dénoncent une nouvelle vague de répression.

«Nous pensions que les choses se calmeraient un peu à l'approche de l'élection, mais le régime a plutôt exercé à fond la pression», a déclaré hier le dissident Mohammed Abbou, joint par téléphone à Tunis.

Cet avocat de formation, qui a été condamné à une lourde peine de prison après avoir critiqué le régime sur l'internet en 2005, se dit victime d'une campagne de dénigrement dans les médias locaux. Le gouvernement, dit-il, continue par ailleurs de faire pression sur ses clients de manière à le priver de revenus.

«Lorsqu'ils sont convoqués, la première chose qui leur est demandée est d'expliquer pourquoi ils font affaire avec moi», a souligné M. Abbou, qui se dit malgré tout moins affecté que d'autres dissidents.

Journalistes intimidés

Hamma Hammami, un militant communiste qui a fait plusieurs années de prison, a notamment été agressé physiquement, à la fin du mois de septembre, à son arrivée à l'aéroport après avoir fait des déclarations publiques contre le régime. Sa femme, Radhia Nasraoui, qui défend des victimes de torture, a aussi été intimidée.

Le journaliste Taoufik Ben Brik, qui tient depuis quelques semaines un blogue sur le site du Nouvel Observateur, subit aussi d'intenses pressions, a indiqué M. Abbou, qui dénonce le recours par les autorités à des procès de droit commun pour faire taire ses opposants. M. Ben Brik a écrit hier que le régime lui cherche noise en évoquant un accident de voiture orchestré par un agent en civil. Il dit s'être «assigné à résidence» pour assurer sa sécurité plutôt que de répondre à une convocation policière.

À la veille du scrutin, Reporters sans frontières (RSF) a sévèrement critiqué le déroulement de l'élection en relevant qu'il était impossible pour les journalistes tunisiens indépendants, et les envoyés spéciaux des médias étrangers, de travailler librement.

Une journaliste du Monde, qui avait signé la semaine dernière un article relayant de sévères critiques contre le chef d'État, a été refoulée par les autorités à son arrivée à Tunis en prévision du scrutin.

Selon RSF, nombre de médias locaux ont fait une couverture totalement déséquilibrée de la campagne, passant pratiquement sous silence les activités des partis de l'opposition, tout en réservant de larges espaces au président sortant.

Un biais prévisible au dire de M. Abbou, qui ne croit pas aux résultats officiels avancés par le régime. Pas plus qu'à un taux de participation de l'ordre de 75%.

«Le peuple a peur. Dans l'intimité, les gens se montrent très critiques, mais peu de gens osent s'exprimer publiquement», a souligné l'avocat, qui veut à tout prix éviter que le président tente de modifier la Constitution, dans les années qui viennent, pour pouvoir siéger au-delà de l'âge de 75 ans. «Il faut que le peuple tunisien s'y oppose de manière unanime», a-t-il souligné.

Un modèle de croissance

Le régime tunisien, qui fait généralement peu de cas des accusations de népotisme et de violations des droits de l'homme véhiculés par les dissidents et les organisations internationales, maintient que le pays est un modèle de croissance réussi.

Son point de vue trouve écho auprès de certains analystes comme Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l'Orient, qui évoque la croissance économique du pays, la condition des femmes et l'attitude intransigeante du régime envers les intégristes comme autant d'éléments positifs.

«Plutôt que de pointer sans cesse ce qui ne va pas, les esprits chagrins devraient voir que la Tunisie est un exemple pour toute la région», a-t-il écrit vendredi dernier dans une lettre ouverte.