La percée historique de l'extrême droite dimanche en Suède confirme l'essor des mouvements populistes, xénophobes ou nationalistes dans plusieurs pays européens, sur des thèmes qui font craindre un délitement de l'idéal communautaire.

L'entrée au Parlement suédois des Démocrates de Suède (SD, extrême droite), qui ont recueilli 5,7% des suffrages, arrive après de récents succès de partis nationalistes, voire xénophobes aux Pays-Bas (avec le PPV) ou en Hongrie (avec Jobbik).

En Italie, l'un des six pays fondateurs de l'UE, le parti populiste et anti-immigré de la Ligue du Nord participe au gouvernement et est devenu le plus fidèle allié de Silvio Berlusconi.

L'extrême droite est également représentée dans les Parlements nationaux au Danemark, en Autriche, Slovaquie, Lettonie et en Bulgarie.

Aux élections européennes de juin 2009, l'extrême droite a réalisé un score à deux chiffres dans sept États membres (Pays-Bas, Belgique, Danemark, Hongrie, Autriche, Bulgarie et Italie), et une performance entre 5 et 10% dans six autres États (Finlande, Roumanie, Grèce, France, Royaume-Uni et Slovaquie).

«Depuis sa percée dans les années 80, l'extrême droite a prouvé qu'elle était devenue une force politique significative sur la scène européenne», estime Magali Balent de la Fondation Robert-Schuman, spécialisée sur les questions européennes.

La crise économique qui frappe le Vieux continent explique en partie le regain de l'extrême droite en Europe mais pas seulement. Le multiculturalisme, et l'islam en particulier, est souvent la cible privilégiée de ces mouvements.

En conséquence, leur critique de l'Union européenne qui défend la libre circulation des citoyens européens, la liberté de religion et les bienfaits de la mondialisation est sans concession.

Et l'Union a peu de moyens de se défendre face à ceux qui mettent en cause ses valeurs.

Pour sa politique controversée à l'encontre des Roms, la France a été menacée de poursuites devant la justice européenne par la Commission européenne, mais cette procédure prend en général plusieurs années pour aboutir.

Le président français Nicolas Sarkozy a d'ailleurs été accusé de chercher par ce durcissement à séduire les électeurs du Front national de Jean-Marie Le Pen, qui a opéré une remontée significative aux élections régionales de mars dernier (17,8% des suffrages au second tour dans les 12 régions où il pouvait se maintenir).

Il faut remonter à 2000 pour que l'UE hausse le ton face à l'extrême droite. Cette année là, pendant huit mois, l'Autriche fut mise à l'écart de ses partenaires européens en raison de l'entrée dans son gouvernement de représentants de l'extrême droite populiste du FPO. La présidence tournante de l'UE avait même interdit aux États de l'Union de donner leur appui à des candidats autrichiens recherchant des postes dans des organisations internationales.

Au final, le résultat fut plus que décevant. «Les sanctions ont été un échec complet, même si elles étaient intellectuellement justifiées», estimait Jacques Le Rider, ancien conseiller culturel à l'ambassade de France à Vienne, un an après leur levée.

Et quand l'extrême droite n'est pas au pouvoir, ses thèmes peuvent contaminer les partis de droite traditionnelle. Ainsi, en mai dernier, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a souhaité offrir la nationalité hongroise aux minorités magyarophones vivant dans les pays frontaliers de la Hongrie, provoquant l'irritation de ses voisins roumain et slovaque. Cette revendication est au coeur du programme du parti d'extrême droite Jobbik.

L'UE «doit s'interroger sur la responsabilité qu'elle porte» dans la percée de l'extrême droite, estime Mme Balent. Elle «ne pourra faire l'impasse d'un débat sur son identité et ses limites géographiques, afin de prouver sa singularité et ainsi contredire ceux qui l'accusent d'être aux ordres d'un projet d'uniformisation des cultures et des identités à l'échelle mondiale».