Le climat se dégrade chaque jour un peu plus entre la Turquie d'une part et Israël et les Occidentaux d'autre part, comme en témoigne l'interdiction partielle par la Turquie de son espace aérien à l'armée de l'air israélienne.

La Turquie a interdit de survol un avion militaire israélien au lendemain de l'assaut le 31 mai d'un commando israélien sur la flottille d'aide humanitaire à Gaza, au cours duquel neuf ressortissants turcs ont été tués, avait confirmé lundi le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, après des informations de presse en ce sens.

Selon un diplomate turc, toute nouvelle demande de survol de la part d'Israël sera étudiée au cas par cas, les vols civils n'étant pas visés.

Le quotidien Hürriyet Daily News a affirmé pour sa part, citant des sources diplomatiques, que la Turquie a rejeté «deux demandes distinctes israéliennes d'utiliser l'espace aérien turc, depuis le début juin».

Nouvelles interdictions pas confirmées côté israélien.

Interrogé mardi par la presse, le porte-parole du ministère turc des affaires étrangères, Burak Özügergin, n'a pas non plus confirmé de nouveau refus, et n'a pas précisé si ces interdictions seraient désormais systématiques.

Mais il a adressé une nouvelle mise en garde à Israël, ancien allié stratégique avec lequel Ankara avait signé des accords de coopération militaire en 1996.

«Nous l'avons déjà dit, nous prendrons des mesures, si nos demandes ne sont pas satisfaites», a-t-il menacé.

La Turquie, membre de l'OTAN, a déjà exclu début juin Israël de manoeuvres aériennes conjointes, et a rappelé son ambassadeur à Tel Aviv.

Elle réclame de ce pays des excuses, des dommages pour les familles des victimes, une enquête internationale sur le raid, la libération des trois navires turcs saisis pendant l'opération, et la fin du blocus de Gaza.

M. Erdogan, qui dirige un gouvernement issu de la mouvance islamiste, a évoqué cette question avec le président américain Barack Obama en marge du G20, le week-end dernier à Toronto (Canada).

Selon une source diplomatique turque, le gouvernement américain pourrait plaider avec succès la cause de son allié turc concernant des excuses, des dommages et la restitution des bateaux, mais il n'est pas «optimiste» concernant l'acceptation par Israël d'une enquête internationale.

Israël a lancé lundi les travaux de sa propre commission d'enquête sur le raid, récusée par la Turquie.

L'entretien Obama-Erdogan en marge du G20 a été «glacial», assure l'analyste et journaliste Mehmet Ali Birand, généralement bien informé.

«Obama est très déçu du vote» de la Turquie, qui a dit non à de nouvelles sanctions contre l'Iran, au Conseil de sécurité des Nations Unies. Washington n'a pas compris comment un allié de l'OTAN a pu voter contre les Occidentaux, a expliqué M. Birand à l'AFP.

Les États-Unis et plusieurs pays occidentaux, notamment l'Italie, se sont inquiétés récemment de l'évolution de la diplomatie de la Turquie, pays candidat à l'Union européenne mais qu'ils voient se déplacer vers l'est, l'Iran, la Syrie, voire le Soudan.

Ils redoutent de perdre un précieux allié musulman, situé stratégiquement entre Europe, Proche Orient et Asie centrale.

«Obama a téléphoné à Erdogan juste avant le vote» au Conseil de sécurité, dont la Turquie est membre non permanent, et il a pris le «non» turc comme «une attaque personnelle», assure M. Birand.

«La Turquie va maintenir la pression sur Israël jusqu'aux élections» législatives du printemps 2011, prévoit-il, estimant que ces attaques répétées servent les intérêts électoraux du régime islamo-conservateur à Ankara.