Le président français Nicolas Sarkozy a abattu ses cartes mercredi pour sa délicate et impopulaire réforme des régimes de retraite, suscitant les critiques de la gauche face à son intention de faire passer l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans d'ici à 2018.

Les détails de cette refonte des systèmes de pensions, présentée comme la réforme clé des deux dernières années de mandat du président français, ont été annoncés mercredi matin par l'un de ses fidèles, le ministre du Travail Eric Woerth.

L'avantage de pouvoir partir à la retraite dès 60 ans, même avec une pension incomplète, était un acquis social emblématique des politiques de gauche, mis en place en 1983 par le président socialiste François Mitterrand.

«Sauver notre système de retraite est un impératif», a affirmé Eric Woerth, en présentant cette réforme. «Travailler plus longtemps est inéluctable, il n'y a pas de magie», a-t-il dit. «Tous nos partenaires européens l'ont fait», a-t-il ajouté, précisant que les régimes de retraite seraient à l'équilibre en 2018.

Le déficit des régimes de retraite a été multiplié par trois en deux ans en raison de la crise. Il est déjà de 32 milliards d'euros en 2010 et menaçait de monter à 45 milliards en 2020, si rien n'était fait.

Mais le gouvernement bénéficie du fait que l'opinion publique, bien que très attachée à la retraite à 60 ans, semble résignée à une réforme rendue indispensable, selon les experts, par l'allongement de la durée de la vie.

Le contexte économique, avec les mesures de rigueur budgétaire prises dans toute l'Europe sous la pression des marchés financiers, à la suite de la crise grecque, favorise également l'acceptation de cette réforme.

Avec le recul à 62 ans de l'âge de départ, l'âge de mise à la retraite avec une pension complète, qui était de 65 ans, se trouve décalé à 67 ans.

La France devrait toutefois rester l'un des pays européens où les retraités seront les plus jeunes. L'Allemagne, par exemple, veut porter l'âge minimal de la retraite à 67 ans en 2029.

M. Woerth a souligné que la réforme des retraites avait été construite «avec deux exigences: être responsable et être juste».

Ainsi une contribution particulière des hauts revenus est prévue, avec un prélèvement de 1% supplémentaire sur les 342 000 foyers fiscaux les plus imposés.

Une taxation supplémentaire est également prévue sur les revenus du capital (stocks-options, dividendes, généreuses retraites des grands patrons) et sur les entreprises. Au total, ces recettes supplémentaires devraient rapporter 3,7 milliards d'euros.

Cherchant à respecter des délais très serrés, le gouvernement a prévu que le projet soit avalisé le 13 juillet par le Conseil des ministres, avant d'être présenté au Parlement à la rentrée de septembre.

Toutes les composantes de l'opposition de gauche ont souligné dans un même élan que les plus riches étaient les moins touchés par la réforme.

François Hollande, un des principaux dirigeants socialistes, a estimé que Nicolas Sarkozy avait choisi «la réforme la plus injuste». Réforme «d'une iniquité révoltante» ont renchéri les Verts.

Le syndicat CGT, le plus puissant du pays, a demandé au gouvernement de «réécrire» son projet, alors que le syndicat Force Ouvrière en demandait «le retrait».

Les syndicats qui peuvent encore demander des amendements au projet dans les prochains jours, reportent leurs espoirs sur une forte mobilisation en septembre pour faire reculer le pouvoir. Ils prévoient néanmoins une journée d'action le 24 juin. Leurs précédents mouvements n'ont pas mobilisé autant qu'ils l'espéraient.