Un missile de croisière américain transportant des bombes à fragmentation a été utilisé lors d'une attaque qui a fait 55 morts en décembre au Yémen, pour la plupart des civils, a affirmé lundi Amnesty International.

À Washington, un porte-parole du Pentagone a refusé de commenter ces accusations, renvoyant les journalistes vers le gouvernement yéménite.

«Ceci dit, il convient de féliciter le gouvernement du Yémen d'avoir relevé le défi de la menace d'Al-Qaeda», a ajouté le porte-parole, Bryan Whitman. «Nous soutenons énergiquement les opérations menées contre Al-Qaeda dans la Péninsule Arabique et coopérons étroitement avec le Yémen et d'autres pays en matière d'initiatives anti-terroristes», a-t-il déclaré.

Amnesty International a publié des photos montrant, selon elle, des débris d'un missile Tomahawk de fabrication américaine et des bombes à fragmentation encore intactes ayant apparemment servi dans une attaque le 17 décembre 2009 à Al-Maajala (sud).

«Amnesty est extrêmement préoccupée par les preuves que des bombes à fragmentation semblent avoir été utilisées au Yémen», a dit Mike Lewis, un responsable de l'organisation de défense des droits de l'homme basée à Londres. «Les bombes à fragmentation frappent sans discernement et les bombes non explosées menacent la vie et les moyens d'existence pendant des années».

Pour sa part, Philip Luther, directeur adjoint d'Amnesty pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord, a estimé qu'un tel raid «contre des militants présumés sans tentative pour les arrêter est pour le moins illégal. Le fait que tant de victimes étaient des femmes et des enfants prouve que l'attaque était foncièrement arbitraire».

Le ministère yéménite de la Défense avait revendiqué la responsabilité de l'attaque contre un camp de formation présumé d'Al-Qaeda, sans mentionner de rôle américain, et annoncé la mort de 24 à 30 militants.

Mais un responsable local avait ensuite affirmé que 49 civils, dont 23 enfants et 17 femmes, y avaient également péri.

Selon Amnesty, qui parle de 55 morts, une commission parlementaire yéménite a confirmé la mort de 41 habitants, dont des femmes et des enfants, et indiqué avoir constaté lors d'une visite du site que «toutes les maisons avaient été incendiées».

D'après le communiqué, les photos montrent des dégâts causés par le missile BGM-190D. «Ce type de missile tiré à partir d'un navire de guerre ou d'un sous-marin est conçu pour porter 166 charges à fragmentation, chacune explosant en 200 sous-munitions à fragments tranchants qui peuvent causer des blessures dans un rayon de 150 mètres». Ces sous-munitions contiennent «une matière incendiaire».

Washington et Sanaa n'ont pas signé la Convention sur l'interdiction des bombes à fragmentation, devant entrer en vigueur le 1er août.

Amnesty a par ailleurs estimé que «sur la base des preuves fournies par ces photos, le gouvernement américain doit révéler quel rôle il a joué dans cette attaque».

L'organisation a dit avoir «réclamé au Pentagone des informations sur l'implication de forces américaines dans l'attaque d'al-Maajala» mais n'avoir pas reçu de réponse.

En revendiquant l'attentat manqué perpétré par un Nigérian le jour de Noël sur un vol Amsterdam-Detroit, Al-Qaeda dans la péninsule arabique basée au Yémen avait affirmé qu'il s'agissait d'une riposte aux raids de décembre contre le réseau.