Le Tribunal suprême espagnol a ordonné mercredi l'ouverture prochaine du procès du juge Baltasar Garzon, accusé d'avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, au lendemain de sa demande de mise en disponibilité pour travailler à la CPI de La Haye.

Cette décision du juge du Tribunal suprême Luciano Varela marque la dernière étape procédurale avant l'ouverture effective du procès de Baltasar Garzon, dont la date n'a pas encore été fixée, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

Elle intervient au lendemain d'une demande de mise en disponibilité présentée par le juge espagnol qui souhaite travailler pendant sept mois comme consultant à la Cour pénale internationale de La Haye.

Cette demande a été largement interprétée comme une manoeuvre de Garzon pour éviter une humiliante suspension de ses fonctions de juge de l'Audience nationale à Madrid.

La suspension provisoire est normalement automatique pour tout magistrat appelé à comparaître devant un tribunal pour des délits présumés commis dans l'exercice de ses fonctions.

Mais le juge Garzon, 54 ans, pourrait éventuellement y échapper s'il obtenait l'autorisation d'aller travailler à la CPI, puisqu'il n'exercerait alors aucun pouvoir juridictionnel en Espagne.

Une réunion extraordinaire du Conseil du pouvoir judiciaire (CGPJ) a été fixée à vendredi pour statuer sur l'éventuelle suspension de Garzon, alors que celle-ci devait être initialement examinée le 19 mai, a précisé à l'AFP une source de l'organisme de tutelle de la magistrature espagnole.

Le CGPJ se réunira ultérieurement, le 18 mai, pour décider s'il accepte la mise en disponibilité du juge Garzon.

Garzon est poursuivi pour «prévarication» par des organisations d'extrême droite pour avoir voulu en 2008 enquêter pour la première fois sur les disparus de la Guerre civile et de la répression franquiste, en enfreignant «sciemment» la loi d'amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco.

Mondialement connu comme un pionnier de la justice universelle et pour avoir fait interpeller en 1998 à Londres l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, le magistrat encourt une peine de 20 ans d'interdiction d'exercice de sa fonction de juge, qui mettrait un point final à sa carrière.

Il a reçu le soutien de nombreux juristes dans le monde qui estiment que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles et que la loi d'amnistie espagnole n'est pas conforme au droit international.

En Espagne, sa mise en accusation suscite une vive controverse. Elle choque profondément les milieux de gauche et les associations de victimes du franquisme. La droite estime que la justice doit suivre son cours en toute indépendance.

Le responsable écolo-communiste Gaspar Llamazares a dénoncé mercredi une «chasse à l'homme» visant «à liquider un juge».

Le porte-parole parlementaire socialiste Juan Antonio Alonso a souhaité au juge Garzon «bonne chance» au TPI.

Un responsable conservateur, Alfonso Alonso, a brocardé Garzon, l'accusant «de fuir et de se réfugier à La Haye» quand «son horizon s'assombrit» en Espagne, dans une «pirouette» pour échapper à sa suspension.

Le juge Garzon est inquiété dans deux autres dossiers judiciaires en Espagne.