BP a annoncé qu'elle entendait payer pour le nettoyage de la marée noire qui grossit dans le golfe du Mexique. Dans le sud de la Louisiane, paralysé depuis que le gouvernement a ordonné l'arrêt de la pêche, la fuite de pétrole s'immisce dans toutes les conversations, raconte notre correspondant.

À cette période-ci de l'année, les pêcheurs du port de Venice s'activent comme des soldats sous les tirs de l'ennemi.

 

Cette année, par contre, rien ne bouge. Les bateaux sont amarrés aux quais. Les marins sont réunis autour d'une bière froide.

«On ne peut rien faire, alors on attend, laisse tomber Steve Moreau, pêcheur de crevette originaire de Venice, qui discutait avec ses amis, hier midi, au café de la marina. Chaque jour qui passe est un jour où je ne gagne pas un sou.»

La région regorge de crabes, d'huîtres et de crevettes, dont la pêche fait vivre des milliers de familles. «C'est une mine d'or pour nous. Maintenant, la mine est fermée.»

Son beau-frère travaille pour une entreprise qui fournit des pièces pour les plateformes de forage de la région. «Je suis certains qu'ils vont trouver une solution pour colmater la fuite. Les gens du Golfe sont très ingénieux et connaissent mieux les plateformes de forage que leurs propres maisons.»

Le vent qui poussait la marée noire vers les côtes de la Louisiane a cessé, hier. Pour l'heure, le gros du déversement se trouve toujours au large. Des résidants de l'Alabama ont signalé avoir senti des effluves de pétrole sur la côte. Plus de 800 000 litres de pétrole s'échappent chaque jour d'un puits au fond de l'océan, à 200 kilomètres de la Nouvelle-Orléans.

Marécages en péril

À Venice, située à l'extrémité sud de l'État, les résidants craignent que les nappes de pétrole qui s'étendent au large ne soient poussées vers les marécages du secteur.

«Quand le pétrole pénètre dans le sol, ça y est, il n'y a rien à faire, dit Bernard L. Baisier, consultant pour plusieurs entreprises de la région. La végétation meurt et l'océan avale la terre.»

Il accuse BP d'avoir cherché à bâcler son travail. «BP est reconnue dans la région pour être peu portée à payer pour la sécurité. Ils sont vraiment radins à cet égard.»

Or, c'est l'attitude de Washington qui l'enrage. «Le gouvernement devrait obliger les entreprises pétrolières à prendre des mesures de sécurité sévères. Les lois ne sont pas assez contraignantes.»

Hier, une équipe pilotée par BP s'affairait à la construction d'une immense boîte de béton de 74 tonnes qui doit être déposée au fond de l'océan pour colmater la fuite et diriger le pétrole vers une barge à la surface. Ce dispositif ne sera pas mis en place avant la fin de semaine.

D'ici là, les océanographes croient que le pétrole pourrait être poussé par le Gulf Stream au sud de la Floride, pour ensuite se retrouver sur la côte Est.

Offre de 5000$

Hier, le procureur général de l'Alabama, Troy King, a dit que BP avait fait signer des contrats à des pêcheurs, leur offrant 5000$ en échange d'une promesse de ne pas poursuivre l'entreprise. Le président de BP, Tony Hayward, a signalé sur les ondes de NPR que cette initiative avait été une erreur. M. Hayward a dit que BP s'engageait à payer pour le nettoyage de la marée noire, qui pourrait coûter plus de 14 milliards de dollars, selon les experts.

Le golfe du Mexique fournit 40% des fruits de mer vendus aux États-Unis. En Louisiane, l'industrie emploie 46 000 personnes et injecte 2 milliards de dollars annuellement dans l'économie.

La marée noire a aussi déjà commencé à avoir un impact sur les animaux marins. Une vingtaine de tortues de mer ont été retrouvées mortes sur les plages du Mississippi, hier. Plusieurs baleines ont été aperçues en train de nager dans les eaux contaminées.