Les «chemises rouges» thaïlandaises ont décidé mercredi de renforcer leur occupation d'un important quartier commercial de Bangkok d'où elles espèrent lancer «l'offensive finale» pour obtenir le départ du premier ministre et la tenue de nouvelles élections.

Les manifestants vont se rassembler sur un seul site au lieu de deux alors que la situation politique reste bloquée, plus d'un mois après le début de cette énième crise politique qui fait fuir les touristes.

«Nous organisons notre mouvement pour lutter. Nous espérons que cela marquera la dernière étape (de la confrontation) entre nous et le gouvernement», a expliqué un leader «rouge», Nattawut Saikuar.

«Il est possible que le gouvernement essaie de nouveau de nous disperser dans les deux prochains jours», a-t-il prévenu.

L'armée avait tenté en vain samedi de déloger les dizaines de milliers de manifestants occupant le quartier de Phan Faï, dans la vieille ville.

Cette intervention avait dégénéré en violents affrontements, les pires en près de 20 ans dans le royaume, qui ont fait 22 morts et plus de 850 blessés, selon un nouveau bilan établi mercredi.

La situation est depuis revenue au calme dans la capitale thaïlandaise, grâce notamment aux festivités du Nouvel an bouddhiste, appelé Songkran, qui vont durer jusqu'à la fin de la semaine.

Les «rouges» ont choisi de concentrer leurs forces dans le quartier commercial de Rajaprasong en estimant que sa paralysie était plus dommageable pour l'économie, accentuant ainsi la pression sur le pouvoir.

Situé au coeur de la capitale, ce quartier moderne abrite les principaux hôtels de luxe, un centre de conférence, ainsi que d'immenses centres commerciaux.

Depuis le 3 avril, les rideaux sont restés baissés et des barrières bloquent l'accès aux hôtels, entraînant des millions de dollars de pertes pour les enseignes.

Les «rouges», dont le nombre peut atteindre jusqu'à 60 000 selon la police, y ont installé tous les services nécessaires (restaurants, toilettes...). Des milliers d'entre eux, notamment ceux venus du nord du pays, leur bastion, dorment sur des nattes, parfois depuis plusieurs semaines.

Cette stratégie d'occupation pacifique rappelle le blocage des deux aéroports de Bangkok, engagé pendant neuf jours fin 2008 par les «chemises jaunes», un mouvement royaliste viscéralement opposé à l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, dont les alliés dirigeaient alors le gouvernement.

Ce blocus avait contribué à un renversement de majorité et à l'arrivée au pouvoir d'Abhisit Vejjajiva qui avait su tirer profit de l'agitation «jaune».

Seize mois plus tard, le premier ministre, contraint de vivre dans une caserne militaire ces dernières semaines, semble acculé.

Le chef de l'armée, Anupong Paojinda, a estimé cette semaine que l'organisation de législatives anticipées constituait une «issue» à la crise et à appelé majorité et opposition à s'entendre sur une date.

Nattawut a réaffirmé mercredi que les «rouges» ne voulaient plus négocier avec le pouvoir et qu'ils ne cesseraient leur mouvement qu'au départ d'Abhisit et à l'annonce d'élections dès que possible.

La majorité, pour sa part, refuse jusqu'à présent d'avancer le scrutin avant la fin de l'année.

Par ailleurs, une polémique prend de l'ampleur sur les responsabilités dans les violences de samedi après la diffusion d'images de télévision montrant notamment un soldat pointant son arme vers les manifestants.

L'armée s'est défendue mercredi en affirmant que des militaires avaient été contraints de riposter après avoir été pris pour cible par des civils armés présents sur les lieux.

Seize civils, dont un caméraman japonais, et six soldats ont été tués.