Le gouvernement de Madère s'est donné deux ans pour reconstruire «comme avant» les infrastructures détruites par les intempéries meurtrières de samedi dernier, provoquant l'inquiétude des écologistes et des experts qui craignent la répétition des erreurs du passé.

«Nous sommes très inquiets, car cela signifie que l'île de Madère, et particulièrement la capitale Funchal, seront une nouvelle fois à la merci de ce type de catastrophe», a déclaré à l'AFP Helder Spinola, responsable de l'association écologiste Quercus.

«Tout ce qui s'est écroulé venait du temps de Salazar et du roi Dom Carlos. C'est ça qui va être reconstruit, à ma façon!», a d'ores et déjà prévenu le président du gouvernement régional, Alberto Joao Jardim, dont la politique d'urbanisation à outrance de l'île a pourtant été mise en cause par écologistes et urbanistes.

Maisons bâties en zones inondables, rond-point construit à cheval sur une rivière, centre-commercial érigé sur une source: les exemples sont légion mais tous balayés par M. Jardim qui y voit la critique de «théoriciens et professeurs docteurs qui ne connaissent rien à Madère».

Grand artisan de la modernisation de l'île, M. Jardim, au pouvoir depuis 1978, entend «continuer à faire ce qui a été fait jusqu'ici» et il s'est donné «deux ans» pour «remettre les choses en place».

Ancien conseiller à l'Environnement de la mairie de Funchal, le géographe Raimundo Quintal se dit aujourd'hui «profondément inquiet d'entendre M. Jardim dire qu'il ferait tout comme avant». «Une grande partie de ce qui a été détruit date de ce gouvernement, ça n'a rien à voir avec Salazar ou n'importe quelle autre excuse», affirme le géographe.

En outre, selon M. Quintal, le délai de deux ans estimé par le gouvernement semble «peu réaliste surtout dans les zones montagneuses isolées et sur les hauteurs de Funchal, densément peuplées et particulièrement touchées».

M. Jardim a, dans une première évaluation, estimé à plus d'un milliard d'euros les dégâts provoqués par le déluge du week-end dernier, qui a obligé au relogement d'environ 600 personnes et détruit d'importantes infrastuctures routières.

Pour la seule ville de Funchal, les pertes pour le commerce et l'industrie ont été estimées entre 100 à 140 millions d'euros par l'association patronale Acif.

Après les intempéries, plusieurs pays se sont dits prêts à soutenir l'archipel de Madère, et le gouvernement portugais a annoncé qu'il solliciterait l'activation du Fond de solidarité de l'Union européenne, créé après les inondations qui ont touché l'Europe centrale à l'été 2002 et doté d'un milliard d'euros.

Le commissaire européen à la politique régionale Johannes Hahn, responsable de cet outil, est attendu dès jeudi prochain sur l'île, avant une visite du président de la Commission européenne José Manuel Barroso, prévue le 12 mars.

M. Barroso a déjà estimé que Bruxelles pourrait apporter un «soutien significatif» pour la reconstruction de Madère, dont le développement a été largement financé par des fonds européens au titre des régions ultrapériphériques les plus pauvres.

«C'est peut-être un peu morbide mais la catastrophe finira par dynamiser l'économie de Madère grâce à l'argent qui sera injecté», a déclaré à l'AFP l'économiste David Caldeira. «Il existe d'importants moyens dans le secteur du bâtiment qui était semi-paralysé en raison de la crise. Et cela fera baisser le chômage», a-t-il estimé.

La presse locale s'inquiétait toutefois pour les nombreux habitants qui ont perdu leur maison ou leur voiture, d'autant que M. Jardim a exclu de décréter «l'état de catastrophe naturelle» qui aurait permis de faire jouer les assurances, jugeant que «ce serait une catastrophe de plus» pour l'économie de l'île entièrement dépendante du tourisme.