2010 pourrait bien être l'année de l'Afrique, et plus particulièrement de l'Afrique du Sud, qui accueille pour la première fois la Coupe du monde de soccer. Quels seront les impacts de cet événement historique sur le pays le plus industrialisé du continent noir? Et surtout, seront-ils à la hauteur des attentes?

Pendant quatre semaines, à compter du 9 juin 2010, l'Afrique du Sud sera au centre du monde. Des milliards de téléspectateurs, des centaines de milliers de visiteurs et les médias des quatre coins du monde et se tourneront vers le pays de Nelson Mandela, qui accueillera la Coupe du monde de soccer. Pour l'Afrique noire, qui n'a même jamais reçu les Jeux olympiques, cette grande première suscite plus que de l'optimisme. Elle ravive tous les espoirs.

 

Les résultats seront-ils à la hauteur des attentes? Ça, c'est une autre histoire. Car si la fébrilité est déjà palpable en Afrique du Sud, la plupart des spécialistes s'entendent pour dire que la «World Cup» ne réglera pas à elle seule tous les problèmes du pays, et encore moins ceux du continent le plus pauvre de la planète.

«Ce ne sera pas une potion magique comme dans Astérix», résume Dan O'Meara, Sud-Africain d'origine et professeur titulaire au département de science politique de l'UQAM. «Mais il peut y avoir des impacts positifs.»

«Immense source d'espoir»

Avec 500 000 visiteurs attendus, le tourisme s'annonce d'emblée comme le grand gagnant de l'opération, non seulement en Afrique du Sud, mais aussi dans les pays voisins, qui se préparent à accueillir ce débarquement de masse. La Zambie, parmi d'autres, aurait déjà prévu le coup en augmentant son parc hôtelier.

On estime par ailleurs que la Coupe du monde créera directement ou indirectement 129 000 emplois en plus d'injecter 3 milliards de dollars dans l'économie sud-africaine. Dopé par cette perspective, le gouvernement sud-africain aurait déjà investi 100 milliards de dollars dans les infrastructures du pays, notamment son système de transports, considéré comme l'un de ses points faibles.

Selon Jay Naidoo, président de la Banque de développement de l'Afrique australe, ces investissements n'ont pas seulement permis d'atténuer les impacts de la crise mondiale; ils ont aussi instillé un véritable dynamisme dans la société sud-africaine.

«Pour l'instant, tout ce qui se passe est très bon pour notre confiance, notre nationalisme et l'image que nous avons de nous-mêmes, observe M. Naidoo. Le simple fait que la Coupe du monde se déroule chez nous est vu comme une victoire et une immense source d'espoir. Symboliquement, nous avons enfin l'impression d'avoir notre place dans le monde. De ce strict point de vue, l'impact psychologique est déjà très important.»

Tout dépendra des Bafana bafana

Mais il en faudra plus pour relancer la région, qui souffre encore des contrecoups de la mondialisation, estime Dan O'Meara. Comprendre que, au-delà du tournoi lui-même et de ses retombées économiques temporaires, les problèmes de fond ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Avec un taux de chômage de 25% et un tissu social marqué par le clivage racial et les inégalités, l'Afrique du Sud demeure encore très fragile.

Pour le reste, dit-il, attendons de voir ce qui se passera sur le terrain. Selon lui, le succès de cette Coupe du monde dépendra aussi - et surtout - de la performance des équipes africaines, tout particulièrement de l'équipe de l'Afrique du Sud, dans laquelle la population locale place d'énormes espoirs.

Il faut savoir que le soccer est une religion dans le pays, tout particulièrement dans la population noire. «Or, si les Bafana bafana (surnom de l'équipe sud-africaine) se font sortir dès le premier tour, cela risque de provoquer chez les moins favorisés une réaction de colère et de négativité qui pourrait nuire à l'événement. Par contre, si l'équipe se porte bien, l'impact positif sera réel.»

Il ne faut pas se faire d'illusions, conclut M. O'Meara. «Car les attentes sont si grandes qu'il y aura forcément des déceptions...»