Le tabac tue au moins cinq millions de personnes chaque année, un chiffre susceptible de progresser si les États n'adoptent pas de mesures plus dissuasives pour le combattre, rapporte mercredi l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'OMS ajoute que le tabagisme passif tue environ 600 000 personnes par an.

Le rapport décrit les différentes stratégies pour réduire le tabagisme, notamment protéger la population de la fumée, renforcer l'interdiction de la publicité pour le tabac et augmenter les taxes sur les produits qui y sont liés. Ces recommandations figuraient dans les six stratégies dévoilées l'an dernier par l'OMS, mais moins de 10% de la population mondiale est protégée par une seule de ces mesures. Pour Douglas Bettcher, directeur de l'Initiative pour un monde sans tabac de l'OMS, dire à la population que «le tabac est mauvais pour la santé» n'est pas suffisant. «Il faut que leurs gouvernements appliquent la convention-cadre de l'OMS.»

Les initiatives de l'OMS sont issues de sa convention-cadre pour la lutte antitabac, un traité international ratifié par près de 170 pays en 2003. L'accord oblige théoriquement les pays signataires à prendre des mesures pour réduire le tabagisme, mais rien n'indique qu'ils seront sanctionnés s'ils ne font rien.

Certains experts s'interrogent sur l'efficacité réelle des stratégies de l'OMS. «C'est comme un aveugle bien intentionné qui dirigerait un aveugle», lance Patrick Basham, directeur du Democracy Institute, un groupe de réflexion basé à Londres et Washington.

Ainsi, il observe que des mesures telles qu'augmenter les taxes et interdire la publicité ne répondent pas aux causes profondes du tabagisme. Le nombre de fumeurs baisse naturellement, comme il l'a fait dans les pays occidentaux, lorsque les populations s'enrichissent et bénéficient d'une meilleure éducation.

Le tabac est l'une des principales causes de décès qui pourraient être évités. L'OMS estime qu'environ huit millions de personnes par an en mourront d'ici 2030, principalement dans les pays en voie de développement, si les États ne prennent aucune mesure drastique.

Patrick Basham plaide pour que les gouvernements se concentrent sur des mesures de lutte contre la pauvreté pour éradiquer le problème, même si cela dépasse le mandat de l'OMS. «Le point de vue cynique, c'est que le lobby antitabac est lui-même devenu une industrie et nous n'en ferons jamais assez pour arrêter le tabagisme», souligne-t-il. «Le tabagisme va changer, mais cela n'a rien à voir avec les choses que défend l'OMS.»