«En Occident, on dépeint l'Irak comme un endroit où règne la violence et des luttes intestines pour le pouvoir, où il n'y a pas de place pour l'espoir et l'optimisme», observe Ibrahim Ismaël. Et c'est faux, insiste-t-il.

La preuve: le succès du réseau La'Onf (non-violence, en arabe), qui, depuis 2006, regroupe des organismes irakiens voués à la promotion des droits de l'homme.

Non partisan, le réseau rassemble des Irakiens de toute tendance politique, culturelle et religieuse, de Bassora (dans le Sud chiite) jusqu'à Kirkuk (dans le Nord kurde), en passant par Bagdad (centre sunnite).

La'Onf a reçu cette année le prix John-Humphrey offert par l'organisme canadien Droits et Démocratie. Deux de leurs représentants étaient de passage à Montréal hier.

Travailler ensemble

De l'espoir, les militants de La'Onf en trouvent dans l'esprit de tolérance qui habite historiquement les Irakiens, dit M. Ismaël. Même si, dans les années qui ont suivi le renversement de Saddam Hussein, «les principes de la liberté d'expression et de la démocratie n'ont pas toujours été bien compris ni utilisés à bon escient», reconnaît sa collègue Saba Jabbar.

Plusieurs ont notamment pris la parole, davantage pour attiser les tensions entre Irakiens plutôt que pour les rassembler.

La'Onf s'active notamment pour que tous les Irakiens travaillent ensemble. Lors de la campagne électorale de 2008, le réseau a fait de la sensibilisation en répétant «Il y a de la place pour tous», et en incitant les gens à aller voter. Les militants ont aussi déjà participé à des conciliations entre deux partis politiques pour les convaincre d'utiliser des moyens pacifiques pour régler leurs conflits.

S'il est plus facile aujourd'hui de s'exprimer librement en Irak, pendant des conférences par exemple, la liberté a quand même ses limites, rappelle Mme Jabbar. L'an dernier, un caricaturiste dont l'oeuvre avait déplu aux élus a été arrêté et sommé «de faire attention». Et récemment, un journaliste irakien a échappé à une tentative d'assassinat.

Liberté limitée

Les droits des femmes ont suivi sensiblement la même évolution. Les Irakiennes peuvent désormais voter, se présenter comme candidates et bénéficient d'un quota de représentation de 25% des membres du Parlement.

Elles sont cependant défavorisées économiquement, sous-éduquées dans les zones rurales et leur liberté d'expression dans la rue est limitée.

Les contraintes religieuses, particulièrement dans le sud du pays, sont aussi sévères. «Je ne suis pas à l'aise quand j'y vais, confie Saba Jabbar. Si mes cheveux dépassent du voile, je peux être harcelée, arrêtée, ou même en mourir.»

Même si La'Onf est un réseau non partisan, Ibrahim Ismaël et Saba Jabbar n'excluent pas un jour de se lancer en politique. «Je le ferais pour réaliser l'objectif de La'Onf: des actions non violentes», dit M. Ismaël.

Saba Jabbar souligne que son pays était à l'avant-garde de la culture arabe jusqu'à la fin des années 70. «Les Irakiens veulent redevenir un pays de culture, dit-elle. Plusieurs sont partis car ils voyaient leur horizon bouché. Mais beaucoup sont revenus», souligne-t-elle. Elle souhaite aussi se lancer en politique un jour «pour servir la population», avant de conclure en souriant: «Inch'Allah!»