Les travailleurs immigrants qui vivent aux États-Unis envoient 42 milliards de dollars dans leur pays d'origine. Ceux qui vivent en Arabie saoudite: 16,2 milliards. En Suisse: plus de 6 milliards. Au Canada? Mystère.

Même si un Canadien sur cinq est né à l'extérieur du pays, le gouvernement fédéral ne compile pas les sommes qui sont envoyées par ses citoyens à l'étranger. «Ça devrait faire la une des journaux : le pays occidental qui reçoit le plus d'immigrants par habitant ne garde aucune statistique sur l'argent que ces derniers envoient à l'étranger. C'est fermer les yeux sur une importante contribution du Canada au reste du monde», s'insurge Edgard Rodriguez, responsable de programme au Centre de recherches pour le développement international (CRDI).

 

À Statistique Canada, on confirme qu'il n'existe pas de données nationales sur le phénomène des transferts de la diaspora. L'agence gouvernementale s'est contentée de réaliser une étude longitudinale pour comprendre le comportement des nouveaux immigrants vis-à-vis de l'argent. Cette recherche a permis de découvrir notamment que les immigrants de certaines régions du monde - notamment de l'Afrique subsaharienne et des Antilles - envoient plus d'argent à l'étranger que ceux originaires d'Europe et d'Asie, notamment.

Selon cette même étude, la moyenne annuelle des envois d'argent par immigrant atteint environ 2900$ après deux ans d'établissement au Canada et augmente dès que le revenu du nouveau Canadien s'améliore. Si on extrapole ces données à l'ensemble de la population canadienne, on peut estimer que les Canadiens envoient au moins 8,7 milliards par année à l'étranger, un pas que les chercheurs n'ont pas voulu faire.

Coauteur de cette étude publiée en 2008, René Houle note que depuis la fin de ses travaux, personne n'a entrepris de compiler de statistiques annuelles sur les envois d'argent. La seule statistique qui est véhiculée pour le moment est celle fournie par la compagnie Western Union, qui voit 5 milliards transiter du Canada vers l'étranger chaque année.

Voir la réalité en face

Pourquoi ce silence gouvernemental? Une des explications se trouve peut-être dans l'impact qu'aurait sur le solde commercial du Canada la prise en compte des envois d'argent des immigrants. «Les envois d'argent sont considérés comme des importations pour le Canada. C'est de l'argent canadien dépensé dans une autre économie», explique M. Houle.

Sanket Mohapatra, expert de la Banque mondiale sur la question des envois d'argent, croit que le gouvernement de Stephen Harper n'aura bientôt plus le choix de voir la réalité en face.

«La question des envois d'argent est prioritaire au G8. Le Canada va devoir se mettre à la page très bientôt».