Une affaire d'espionnage militaire a jeté un sérieux coup de froid sur les relations entre le Pérou et le Chili, deux voisins des Andes habituellement bons partenaires, après l'inculpation de deux militaires péruviens et la probable demande d'extradition de deux chiliens.

Une rencontre prévue dimanche à Singapour entre le président péruvien Alan Garcia et son homologue chilienne Michelle Bachelet, en marge du forum économique Asie-Pacifique (Apec), a été annulée, et Garcia a anticipé son retour au Pérou à lundi.

Le chef de la diplomatie péruvienne Jose Antonio Garcia Belaunde a dénoncé un acte «inamical» et «offensif» du Chili. Tout en écartant une rupture des relations diplomatiques, il a également annoncé le rappel de l'ambassadeur à Santiago pour consultations.

«Nous tenons à être clairs: le Chili n'espionne pas», a répondu la porte-parole de la présidence chilienne, Carolina Thoa, en appelant Lima à «faire preuve de prudence et de sérieux» en attendant une enquête plus approfondie.

La crise pourrait s'envenimer autour du sort de deux militaires chiliens contre lesquels un juge de la Haute Cour de Lima a émis vendredi des mandats d'arrêt. Ils seraient les commanditaires présumés de deux «espions» péruviens inculpés vendredi.

Le juge a ainsi ordonné l'incarcération de Victor Ariza Mendoza, un technicien du renseignement électronique de 45 ans, arrêté pour espionnage, divulgation de secrets nationaux et blanchiment d'argent pour le compte du Chili depuis septembre 2005.

Ariza, qui a reconnu les faits, aurait perçu en moyenne 3000 dollars par mois pour ses renseignements, selon le magistrat.

Selon le quotidien péruvien La Republica, citant des sources militaires proches de l'enquête, il aurait notamment livré les plans de modernisation de l'équipement des forces aériennes péruviennes ou encore les codes des téléphones sécurisés de l'ambassade du Pérou à Santiago.

L'identité de l'autre militaire péruvien n'a pas été révélée, ni son sort actuel.

Selon la presse, Ariza aurait été recruté par les Chiliens lors de missions à Santiago en 2002, et piégé par son contre-espionnage après l'alerte donnée par un collègue.

L'ancien responsable des services de renseignement péruviens, le général à la retraite Daniel Mora, a demandé la révision des relations avec le Chili, tout comme l'opposition nationaliste. Il estime que la présidente chilienne était forcément au courant de l'opération.

«Ceux qui autorisent l'utilisation des fonds secrets par les services de renseignement sont des fonctionnaires de haut niveau, qui font directement leurs rapports à la présidence de la République, comme dans toutes les démocraties du monde», a-t-il assuré.

Cette affaire survient entre deux voisins-rivaux des Andes aux relations complexes.

Pérou et Chili sont d'étroits partenaires économiques et commerciaux. Alan Garcia (centre-droit) a qualifié récemment Michelle Bachelet (centre-gauche) de «grande amie».

Mais les questions de défense et de territoire provoquent souvent de vifs accès de tension - une crise diplomatique fut évitée de peu en 2008. Il s'agit en partie du legs d'une guerre (1879-83) gagnée par le Chili qui annexa un pan de son voisin du Nord. Une blessure encore sensible au Pérou.

Lima a porté cette année devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye un différend maritime, pour un problème de souveraineté sur 60 000 km2 d'Ocean Pacifique contestés.

Le Pérou dénonce également une tendance chilienne au «surarmement», voire au «bellicisme», comme ces derniers jours encore à propos de la volonté de Santiago d'acheter des missiles et radars américains.