Née de parents sénégalais, ministre à 31 ans, la belle Rama Yade était, avec Rachida Dati, l'autre «coup» médiatique de Sarkozy. Aujourd'hui sa liberté de ton agace. Mais peut-on «virer» la personnalité politique préférée des Français?

Indéniablement, Rama Yade était, juste après Rachida Dati, l'autre «coup» médiatique fumant de Nicolas Sarkozy. De quoi plonger la gauche dans une déprime profonde: pourquoi n'avait-elle pas eu cette audace lorsqu'elle était au pouvoir?

 

Rama Yade avait hérité d'un poste beaucoup plus modeste que Rachida, pour ne pas dire d'un gadget, puisqu'elle se retrouvait, sans budget ni véritable ministère, secrétaire d'État aux droits de l'homme, sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères. Et donc chargée de faire la leçon aux dictateurs étrangers, à la condition qu'ils ne soient pas à la tête de puissants interlocuteurs ou des clients de la France.

Mais cette nomination était tout de même un formidable pied de nez à la gauche, qui, au pouvoir de 1997 à 2002, n'avait jamais eu l'idée d'attirer au gouvernement des personnalités issues de la «diversité culturelle». Or voilà que le nouveau président, jusque-là classé à la droite de la droite, nommait cette belle jeune femme, née à Dakar 31 ans plus tôt, diplômée de Sciences Po, mariée à un militant du Parti socialiste, Joseph Zimet.

Malgré l'exiguïté du domaine qu'on lui avait concédé, on constata rapidement qu'elle avait de l'aplomb et de l'habileté. Et qu'elle savait se faire remarquer. Elle eut quelques audaces bien calibrées lorsque la dictateur Kadhafi vint en visite officielle à Paris. Elle réussit à faire entendre sa petite musique face à Ben Ali, le maître de la Tunisie, sans aller jusqu'à l'incident diplomatique.

Désormais connue du grand public - et populaire -, la jeune Rama Yade se paye le luxe, en janvier 2009, de refuser la proposition de Nicolas Sarkozy de prendre la tête de la liste de droite aux élections européennes du mois de mai. Ce crime de lèse-président lui vaudra d'être rétrogradée, mais pas éliminée: en juin 2009, elle est nommée secrétaire d'État à la jeunesse et aux sports. De nouveau sous la tutelle d'un ministre chevronné, une certaine Roselyne Bachelot.

Rama Yade, plus que novice dans le domaine, se met en tête d'exister malgré tout. En s'opposant publiquement, en octobre, à sa ministre en titre. Gros remous au sein du gouvernement: Sarkozy fait savoir qu'elle n'a pas «le sens du jeu collectif». Le premier ministre Fillon la rabroue sévèrement. Circonstance aggravante: la droite lui demande de se présenter aux élections régionales de mars prochain: elle pose ses exigences.

Des caprices?

L'exaspération des dirigeants de l'UMP est à son comble. «Rama Yade fait des caprices», murmure-t-on dans les couloirs de l'Élysée. On dit que ses jours sont comptés.

Cette fois, elle est peut-être allée trop loin et son sort est plus qu'incertain. Avec cette petite nuance: la benjamine du gouvernement, bonne conscience d'une France parfois tentée par le racisme, est depuis près d'un an la personnalité politique la plus populaire dans tous les sondages de popularité.

C'est son seul atout et il est fragile car sortie du gouvernement, elle serait vite oubliée. Mais c'est également une qualité qui peut faire hésiter Nicolas Sarkozy: Rama Yade, malgré son aplomb et son aisance, n'est toujours qu'un symbole, sans assise politique, mais un symbole que le président, à mi-mandat et pas gâté par les sondages, peut hésiter à rayer de la carte.

Rama Yade est une joueuse de poker qui, avec un jeu modeste en main, n'a pas encore quitté la table.