Depuis qu'il mène une politique étrangère dépourvue de vision et de plus en plus alignée sur celle des États-Unis, le Canada a perdu beaucoup de son pouvoir d'influence sur la planète, déplore le directeur général de Human Rights Watch, Kenneth Roth.

Ce dernier juge qu'Ottawa s'est comporté de manière «honteuse» en laissant Omar Khadr croupir à Guantánamo. Et juge décevant que le Canada ait abandonné son rôle de défenseur des droits de la personne - rôle qui était traditionnellement le sien jusqu'à ce que les conservateurs de Stephen Harper prennent la direction du pays, constate-t-il.

Invité par le Conseil des relations internationales de Montréal, le grand patron de cette ONG vouée à la défense des droits de la personne doit prononcer une conférence aujourd'hui à Montréal. Sujet de son allocution: l'érosion du leadership canadien sur la scène internationale.

Il estime que ce phénomène est nocif pour le Canada lui-même: «Je ne comprends pas en quoi cela peut servir l'intérêt du Canada de disparaître ainsi de la scène internationale.»

«J'appelle le Canada à se faire respecter, comme avant, pour son engagement en faveur du respect des droits, du maintien de la paix et des institutions internationales», plaide-t-il.

Kenneth Roth ne manque pas d'exemples pour illustrer cet effritement du leadership canadien. Il y a une décennie, le Canada avait joué un rôle clé dans l'adoption d'un traité qui a banni les mines antipersonnel. Ce traité soulevait beaucoup d'opposition et le ministre canadien des Affaires étrangères de l'époque, Lloyd Axworthy, avait eu l'initiative d'enclencher des négociations parallèles, appelées «le processus d'Ottawa», qui ont permis un déblocage.

Dix ans plus tard, Ottawa a joué un tout autre rôle dans les négociations sur un autre traité, portant sur les armes à sous-munitions. «Le Canada a eu tendance à s'aligner sur les pays qui voulaient diluer le traité pour préserver une marge de manoeuvre et pouvoir continuer à utiliser ces armes», déplore Kenneth Roth. C'est la Norvège qui a finalement fait débloquer les discussions. Cette fois, on a parlé du «processus d'Oslo».

D'autres exemples? Le Canada n'a même pas posé sa candidature au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, une institution hautement critiquable, selon Kenneth Roth, mais aussi, par voie de conséquence, perfectible.

«L'ancien Canada aurait tenté de devenir membre du Conseil, et aurait tenté de l'améliorer, alors que le Canada actuel se contente de le laisser couler», constate Kenneth Roth.

Ce dernier n'en revient pas, non plus, que le Canada ait été prêt à signer un traité de libre-échange avec la Colombie sans lui demander de démanteler les groupes paramilitaires responsables de la mort de nombreux civils. Pourtant, Washington avait posé cette exigence comme une condition à la libéralisation du commerce américano-colombien.

Même le leader libéral Michael Ignatieff était d'accord avec l'approche du gouvernement Harper qui, selon Kenneth Roth, équivaut à «donner une récompense pour l'inaction».

Un rôle en Afghanistan

Le Canada joue-t-il encore un rôle positif quelque part sur la planète? Oui, en Afghanistan, où il se bat pour l'égalité des femmes et la liberté d'expression, répond Kenneth Roth. Mais selon lui, le départ annoncé des troupes canadiennes rogne déjà son pouvoir d'influence.

Le Canada devrait s'engager à y rester plus longtemps, croit Kenneth Roth. Pas pour tuer plus de talibans, mais plutôt pour influencer le débat sur la stratégie à développer dans ce pays. Et pour faire pencher l'action internationale en faveur du développement et de la défense des droits.

Mais ici, comme ailleurs, le Canada pratique la stratégie du retrait, déplore le directeur de Human Rights Watch.