Le rapporteur de l'ONU pour le droit à l'alimentation, le Belge Olivier de Schutter, a indiqué hier à l'AFP que le «combat contre la faim peut être gagné» si l'on réinvestit dans l'agriculture familiale plutôt que de se concentrer sur la hausse des volumes produits.

Q: On a dépassé en 2009 le milliard d'affamés, ce fléau semble une fatalité impossible à vaincre.

R: Il faut analyser le milliard en le divisant en catégories vulnérables. On voit alors que le combat peut être gagné. La principale erreur des 30 dernières années a été de ne pas investir suffisamment dans la petite agriculture familiale. Avec l'exode rural massif des années 70-90, on a deux catégories principales (d'affamés): les petits paysans très pauvres dont l'agriculture de subsistance dépend des aléas météorologiques, et les pauvres des bidonvilles. Historiquement, ce sont le même groupe: des paysans qui ont rejoint les villes ou sont restés à vivre misérablement dans les campagnes.

 

Q: Le directeur de la FAO, Jacques Diouf, préconise d'augmenter la productivité agricole afin de résoudre le problème de la faim dans le monde. Vous semblez défendre une position différente.

R: Ma position, c'est qu'il faut éviter de confondre la lutte contre la faim avec celle pour l'augmentation des volumes agricoles, sinon les bénéficiaires seront les grands producteurs. Il faut investir dans les moyens de stocker l'eau de pluie pour l'irrigation, dans des silos pour les récoltes, et dans l'assistance technique aux petits paysans.

Q: Les gouvernements annoncent régulièrement des aides énormes contre la faim dans le monde, apparemment sans grands résultats. Des dirigeants du monde entier seront réunis en novembre à Rome pour discuter de la sécurité alimentaire, puis en décembre à Copenhague pour traiter du réchauffement climatique. Y a-t-il un lien à faire?

R: Les moyens pour lutter contre la faim dans le monde sont là. Il faut améliorer la coordination entre les agences de l'ONU s'occupant d'alimentation (FAO, PAM, FIDA et CGIAR) et aller au-delà en renforçant le Comité pour la sécurité alimentaire de la FAO pour coordonner aussi les actions des pays du Nord et du Sud et d'organismes comme le FMI, la Banque mondiale et l'OMC. Mais le problème central est la gouvernance. Le sommet devra obtenir que les États s'engagent à mettre en place des stratégies pour le droit à l'alimentation et à accepter de rendre des comptes, d'être transparents quant à leurs programmes. Il est vital, en outre, que le sommet de Rome soit influencé par Copenhague et réciproquement, car si on prend en compte la déforestation, 33% des émissions de gaz à effet de serre proviennent de l'agriculture.