Une bonne réputation, ça n'a pas de prix, n'est-ce pas? Dans tous les pays, la réponse ne fait pas de doute, sauf peut-être aux États-Unis, où l'attribution du prix Nobel de la paix à un président peut exposer ce dernier à la critique ou au ridicule.

«Il est dommage que le vedettariat du président ait éclipsé d'inlassables militants qui ont obtenu des résultats en matière de paix et de droits de l'homme», a déclaré le président du Parti républicain, Michael Steele, dans un communiqué.

 

«Une chose est certaine, a-t-il ajouté. Le président Obama ne recevra pas de récompense des Américains pour la création d'emplois, la responsabilité budgétaire, ou pour avoir lié ses paroles à des actes.»

L'animateur de radio conservateur Rush Limbaugh ne s'est pas gêné pour en remettre, affirmant que l'annonce venue d'Oslo «révèle complètement l'illusion qu'est Barack Obama».

«Avec cette récompense, les élites mondiales encouragent Obama, l'homme de paix, à ne pas envoyer de soldats supplémentaires en Afghanistan, à ne pas agir contre l'Iran et son programme nucléaire et à persévérer dans ses intentions d'émasculer les États-Unis», a-t-il écrit dans un message publié sur le site du journal Politico.

Le prix Nobel de la paix 2009 peut-il se retourner contre Barack Obama aux États-Unis? Certains de ses admirateurs semblent le croire; ils ont conseillé au président de ne pas accepter cet honneur qu'ils jugent «prématuré». C'est notamment le sentiment du journaliste et auteur George Packer.

«Le président devrait remercier le comité Nobel et lui demander de garder le prix pour quelques années encore», a écrit l'auteur de The Assassins' Gates sur son blogue. «Il ne devrait pas contribuer à l'accusation injuste voulant qu'il ne soit qu'un beau parleur en acceptant cette récompense attribuée en bonne partie pour les discours qu'il a prononcés à Berlin, à Prague et au Caire.»

Barack Obama n'a évidemment pas écouté Packer et tous ceux qui partageaient cette opinion. Dans sa brève déclaration à la Maison-Blanche, il a accepté le prix Nobel «comme un appel à l'action, un appel lancé à tous les pays pour qu'ils se dressent face aux défis communs du XXIe siècle».

Il aurait pu ajouter que sa récompense était aussi la concrétisation d'une de ses plus importantes promesses électorales: rehausser l'image des États-Unis. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs estimé que le comité Nobel avait consacré «le retour de l'Amérique dans le coeur de tous les peuples du monde» en décernant son prix le plus prestigieux au président américain.

Le Nobel de Barack Obama n'est pas la seule illustration du regain de popularité des États-Unis dans le monde. Des sondages récents ont également permis de mesurer ce phénomène, qui n'est pas négligeable à une époque où les Américains livrent aux extrémistes une bataille pour les «coeurs et les esprits».

Il reste à savoir si le président américain pourra donner raison au comité Nobel dans les nombreux dossiers épineux dont il a hérité. Il s'en trouvera sans doute plusieurs pour se demander comment un lauréat du prix Nobel de la paix peut continuer à faire la guerre en Afghanistan, pour ne nommer que ce conflit.

En attendant, le couronnement de Barack Obama, après moins d'un an à la Maison-Blanche, semble n'avoir eu pour effet que d'exacerber les divisions politiques aux États-Unis, comme le démontre la réaction du Parti démocrate aux critiques républicaines.

«Le Parti républicain s'est allié ce matin aux talibans et au Hamas dans leur empressement à critiquer le président», a déclaré un porte-parole du Parti démocrate.

Il faut dire que certains républicains ont félicité le président Obama après l'annonce d'Oslo, dont le sénateur de l'Arizona, John McCain. Mais celui-ci s'est empressé d'ajouter que son ancien rival faisait désormais face à des attentes encore plus élevées qu'avant.