Trois jours de violents affrontements dans le nord du Nigeria ont fait plus de 260 morts depuis dimanche, mis le gouvernement en état d'alerte et réveillé un fantôme que les citoyens de ce pays d'Afrique subsaharienne connaissent trop bien: celui de la violence interreligieuse.

Ils s'appellent eux-mêmes Boko Haram, ce qui signifie en dialecte hausa «l'éducation occidentale est un péché». Les autorités du Nigeria les appellent les «talibans». Depuis dimanche, cette secte islamiste et la police du pays mènent une bataille sans relâche dans le nord du Nigeria.

 

Hier, les affrontements entre les deux groupes ont atteint leur apogée. Selon le gouvernement nigérian, plus de 190 islamistes ont été tués alors que les forces de l'ordre nigérianes prenaient d'assaut un bloc de maisons de la ville de Maidguri, où s'étaient barricadés des militants et leur chef spirituel, Ustaz Muhammed Yusuf.

Pour échapper aux combats, les civils de Maidguri se sont réfugiés hier au poste de police de la ville. Cet abri de fortune était aussi une morgue à ciel ouvert. Les dépouilles de militants islamistes y étaient entassées pêle-mêle dans la cour.

Les autorités du pays estiment à plus de 260 le nombre des victimes des violences des trois derniers jours.

Violence dans le nord du pays

Les troubles ont commencé dimanche dans l'État de Bauchi. Les policiers y ont arrêté un groupe de militants du Boko Haram qui s'apprêtaient à leur tendre une embuscade. Cette arrestation a été suivie d'éruptions de violence dans plusieurs villes du nord du Nigeria, une partie du pays où la population musulmane est largement majoritaire. Selon des témoins, des groupes de jeunes hommes armés de machettes, d'armes à feu et d'explosifs artisanaux s'en sont pris principalement aux forces de l'ordre.

Pour une charia nationale

Un chef du Boko Haram arrêté dimanche a expliqué que son organisation cherche à établir la charia dans l'ensemble du Nigeria. Depuis 2000, la loi islamique est appliquée dans 12 des 36 États qui composent ce pays multiethnique et multireligieux, mais le Boko Haram voudrait que la charia régisse aussi le sud du pays, majoritairement chrétien.

L'organisation islamiste, fondée en 2004, admet être inspirée par les talibans d'Afghanistan. Tout comme les troupes du mollah Omar, le Boko Harem prône l'abolition des écoles pro-occidentales, s'opposent à la mixité homme-femme, à la musique et à la danse en général.

Même s'ils n'ont pas revêtu de caractère religieux, les affrontements des derniers jours font craindre un regain de violence intercommunautaire dans le pays. Composé de centaines d'ethnies, dont trois majeures, le Nigeria a vécu plusieurs épisodes de violences dans les années 60. Les plus récents accrochages interreligieux remontent aux derniers mois. En novembre dernier, 700 personnes ont été tuées lors d'émeutes entourant les élections dans la région de Jos. En février, au moins cinq personnes sont mortes dans l'État de Bauchi au cours d'affrontements entre musulmans et chrétiens.

 

Le Nigeria en quelques chiffres

> Capitale: Abuja

> Population: 149 millions

> Religions: musulmans: 50%; chrétiens: 40%; autres: 10%

> PIB par habitant: 2300$

> Espérance de vie: 46,4 ans

Source: CIA World Factbook