Les États-Unis et la Russie ont signé lundi un accord clé sur le transit d'armes et de soldats américains vers l'Afghanistan via la Russie, Moscou voulant éviter que la guérilla islamiste ne se propage à l'Asie centrale.

Cet accord, paraphé lors de la visite à Moscou du président Barack Obama, permet d'utiliser l'espace aérien russe, à raison de 4500 vols par an, pour acheminer vers l'Afghanistan la quasi-totalité des soldats américains ainsi que des armes, des munitions et des véhicules.

Si la Russie ne manque pas d'afficher sa différence avec la diplomatie américaine sur nombre de sujets, elle n'a aucun intérêt à voir les Américains quitter prématurément le théâtre afghan.

«Nous saluons les efforts entrepris par les États-Unis et d'autres pays pour enrayer la menace terroriste qui provenait et qui provient malheureusement toujours de la terre afghane», a déclaré le président russe, Dmitri Medvedev, lors d'une conférence de presse avec M. Obama.

La grande crainte de Moscou est en effet de voir l'instabilité afghane se rapprocher de ses frontières et de l'Asie centrale ex-soviétique, où la Russie a des intérêts cruciaux, qu'il s'agisse d'infrastructures militaires ou de l'accès aux gigantesques réserves d'hydrocarbures de la région.

«C'est un sujet sur lequel Américains et Russes ont trouvé un moyen d'améliorer leurs relations. C'est l'un des rares problèmes où leurs intérêts sont très proches», relève Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs.

«Il y a un consensus en Russie sur le fait que l'opération des États-Unis en Afghanistan est perdue d'avance, mais plus les Américains y restent, plus ils éloignent la menace de nos frontières», estime l'analyste militaire Pavel Felguenhauer.

Pour les États-Unis, l'accord de transit avec la Russie et les pays d'Asie centrale est important afin d'assurer l'approvisionnement de leurs soldats, le Pakistan, d'où provient l'essentiel du soutien logistique, s'enfonçant dans l'instabilité.

Et un succès en Afghanistan est crucial pour M. Obama, qui a fait de ce pays le front central de la guerre contre le terrorisme, alors que son prédécesseur George W. Bush se concentrait sur l'Irak.

L'accord de transit «est une contribution substantielle de la Russie à l'effort international (en Afghanistan), cela permet aux États-Unis d'économiser des ressources et du temps et apporte à nos troupes le soutien dont elles ont besoin», a déclaré M. Obama.

Les analystes russes estiment cependant qu'autoriser ce transit était une décision aisée pour Moscou, d'abord parce que sa sécurité s'en trouve renforcée sans prise de risques, et d'autre part en raison de la portée symbolique de l'accord.

«Cet accord est important parce qu'il montre que la Russie et les États-Unis savent encore s'entendre et collaborer et non pas seulement se disputer», souligne ainsi M. Loukianov.

Car malgré la volonté de rapprochement affichée par MM. Medvedev et Obama, les contentieux ne manquent pas, qu'il s'agisse de l'élargissement de l'OTAN à d'ex-républiques soviétiques ou du projet de bouclier antimissile américain en Europe.

Et Pavel Felguenhauer n'exclut pas qu'à terme Moscou veuille monnayer l'aide apportée sur le dossier afghan en obtenant des concessions américaines sur d'autres sujets.

«Ce que veut la Russie avant tout, c'est avoir les mains libres en Géorgie (...) et avoir un mot à dire sur les infrastructures militaires déployées en Europe de l'Est», considère-t-il.