Après la défaite du Hezbollah lors des élections législatives de dimanche dernier au Liban, Barack Obama s'est probablement mis à rêver à un doublé en Iran, où Mahmoud Ahmadinejad incarne les idées radicales contre lesquelles il s'est élevé dans son discours au Caire.

Certes, à la veille du scrutin iranien, le président américain s'était bien gardé d'exprimer une préférence pour un des quatre candidats. Mais, en commentant l'enthousiasme observé dans les derniers jours de la campagne iranienne, il avait déclaré que les citoyens de la République islamique, tout comme ceux du Liban, semblaient ouverts à de «nouvelles possibilités».

Or les résultats du scrutin iranien représentent un réveil brutal pour Barack Obama. Sa politique de la main tendue vis-à-vis de l'Iran se complique non seulement à cause de la réélection d'un critique implacable des États-Unis et d'Israël, mais également en raison des questions soulevées quant à légitimité du vote iranien de vendredi.

La première réaction de la Maison-Blanche, contenue dans deux phrases brèves, illustre la situation délicate dans laquelle se retrouve le président américain.

«Comme le reste du monde, nous sommes impressionnés par le débat vigoureux et par l'enthousiasme que cette élection a générés, en particulier chez les jeunes», a dit le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, dans un communiqué.

«Nous continuons à suivre de près la situation dans son intégralité, y compris les informations faisant état d'irrégularités», a-t-il ajouté.

Prudence à l'étranger

De son côté, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a exprimé le souhait que les résultats reflètent «la volonté et le désir véritables» des électeurs.

La France et la Grande-Bretagne ont fait preuve de la même circonspection alors que le Canada, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, s'est dit «extrêmement préoccupé» par les informations faisant état d'«irrégularités» ainsi que d'actes «d'intimidation».

La réaction d'Israël a été beaucoup moins mesurée.

«S'il y avait encore un espoir de changement en Iran, la réélection d'Ahmadinejad montre que la menace iranienne est d'autant plus grave», a déclaré le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Danny Ayalon, appelant la communauté internationale «à stopper le programme nucléaire iranien et le terrorisme iranien».

La victoire d'Ahmadinejad a été saluée par les alliés de l'Iran, dont la Syrie, le Venezuela et le Hezbollah. La Russie a souhaité, de son côté, que le président réélu fasse preuve de «davantage de compréhension et de sagesse à l'égard de la communauté internationale» et qu'il «se démarque de la politique unilatérale fondée sur la force militaire et la mise sur pied d'un programme nucléaire».

Pro-Moussavi

L'élection d'un candidat «réformateur» ou «modéré» comme Mir Hossein Moussavi n'aurait pas garanti un changement dans les ambitions nucléaires de l'Iran ou dans sa politique étrangère. Elle aurait cependant permis à l'administration Obama de poursuivre ses manoeuvres de rapprochement sans avoir à composer avec un président qui maudit les États-Unis, nie la réalité de l'Holocauste et tient des discours menaçants vis-à-vis d'Israël.

«Il y avait à Washington un désir féroce de voir Moussavi triompher», a commenté Trita Parsi, président du Conseil national iranien-américain. Sur le plan symbolique, il aurait été beaucoup plus facile de traiter avec lui qu'avec Ahmadinejad.»

Mais la réélection du président iranien ne fait pas que des malheureux à Washington. Certains intellectuels néo-conservateurs, dont Daniel Pipes, directeur du Middle East Forum, ont souhaité publiquement la victoire d'Ahmadinejad, de peur que sa défaite soit interprétée faussement comme un signe d'ouverture de la part de l'Iran.

À la veille du scrutin, Michael Rubin, de l'American Enterprise Institute, a exprimé une idée semblable. «Si une personne à la voix douce et au comportement moins combatif - une personne comme l'ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi - devait l'emporter, ce serait plus facile pour Obama de croire que l'Iran desserre le poing quand, en fait, son autre main, cachée sous son manteau, empoigne un poignard», a-t-il dit lors d'une discussion organisée par l'Heritage Foundation.

L'administration Obama s'est donné jusqu'à la fin de l'année pour juger de la réussite ou de l'échec de ses tentatives de dialogue avec Téhéran.

«Je ne veux pas fixer de date artificielle», avait déclaré le président américain à l'issue de son premier face-à-face avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. «Mais je pense effectivement qu'il n'est pas nécessaire de discuter indéfiniment.»

Reste à savoir si les résultats de la présidentielle iranienne lui permettront, d'ici à la fin de l'année, d'entamer ce dialogue avec Téhéran.