La visite «historique» de Mouammar Kadhafi en Italie a permis de clore formellement la page du contentieux colonial entre les deux pays mais le séjour du dirigeant libyen s'est achevé dans la polémique et a frôlé l'incident diplomatique.

Après deux heures de vaine attente le président de la Chambre des députés, Gianfranco Fini, a annulé vendredi soir sous les applaudissements une réunion où le colonel Kadhafi ne s'était pas présenté alors qu'il devait y prendre la parole devant plusieurs centaines de députés et de personnalités.

L'imprévisible chef de l'État libyen n'a ni expliqué son absence, attribuée par l'ambassade de Libye à «la prière du vendredi», ni présenté d'excuses aux députés italiens.

La presse italienne avançait samedi l'hypothèse que le président Kadhafi n'avait pas voulu entendre certaines parties du discours que devait prononcer M. Fini.

Selon le texte du discours, M. Fini lui aurait reproché de mettre sur le même plan les États-Unis et le terrorisme et lui aurait demandé d'autoriser une délégation de députés italiens à se rendre dans les camps de rétention d'immigrants clandestins en Libye pour s'y assurer de la situation des droits de l'Homme.

Pour clore l'incident, Silvio Berlusconi s'est rendu dans la nuit de vendredi à samedi sous la tente du colonel, dressée dans les jardins de la villa Pamphili. Selon l'entourage du chef du gouvernement, le leader libyen lui aurait réaffirmé que «l»Italie était un pays ami».

Dés son arrivée mercredi, le leader libyen avait eu une attitude provocante en arborant sur un uniforme militaire chamarré d'or une photo d'Omar Al-Mokhtar, un héros de la résistance libyenne, surnommé «le «lion du désert», au moment de son arrestation en 1931 par le régime fasciste de Mussolini.

Le colonel avait ensuite insisté lourdement sur le fait que sa visite n'avait été possible que parce que Rome avait présenté des «excuses» pour la période coloniale.

Jeudi, au grand embarras de ses hôtes, il s'en était pris aux États-Unis pour leur intervention contre la Libye en 1986, les accusant de s'être comportés «comme ben Laden».

Tout en condamnant sans ambiguïté la condition des femmes dans le monde arabe et musulman, le colonel avait regretté vendredi qu'elles soient considérées «comme des meubles» que l'on peut déplacer à volonté sans devoir en répondre devant qui que ce soit.

Mais le leader libyen a lui aussi du avaler quelques couleuvres notamment quand il a été privé de l'honneur de s'exprimer dans l'hémicycle du Sénat.

L'opposition menaçait de boycotter le discours du «prix Nobel du terrorisme» s'il était autorisé à parler dans un lieu où même le dalaï-lama, prix Nobel de la Paix, n'avait pu s'exprimer.

Les défenseurs des droits de l'Homme ont manifesté à plusieurs reprises contre sa présence et quelques échauffourées sans gravité les ont opposés aux forces de l'ordre.

Sur le plan des échanges commerciaux italo-libyens, en revanche, la visite de Kadhafi a été plus réussie même si aucun nouveau contrat n'a été annoncé.

«Les entreprises italiennes auront la priorité en Libye» a assuré le colonel devant les patrons italiens de la Confindustria.

L'Italie est le premier client et premier fournisseur de la Libye. Tripoli est notamment devenu le deuxième actionnaire de l'une des principales banques italiennes, Unicredit et a manifesté son souhait d'acquérir une part importante du géant pétrolier Eni.