Le président Barack Obama a manifesté hier dans un grand discours sa détermination à fermer le camp de Guantánamo, et a défendu l'idée de transférer certains détenus dans des prisons américaines, malgré la vive controverse que suscite cette perspective. Presque au même moment, l'ancien vice-président Dick Cheney a laissé entendre devant un auditoire conservateur que M. Obama compromettait la sécurité des Américains.

Comme dans un western, le duel entre les deux hommes a captivé Washington. Face à des visions diamétralement opposées de la sécurité nationale, les parlementaires et le public américains doivent maintenant choisir un vainqueur.

 

Obama

«Guantánamo a aidé Al-Qaeda»

Pas question de faire marche arrière. La prison de Guantánamo sera fermée d'ici au 20 janvier 2010. Et plusieurs de ses détenus seront transférés vers les États-Unis, n'en déplaise aux critiques de cette politique.

«Au lieu de servir d'outil pour contrer le terrorisme, Guantánamo est devenue un symbole qui a aidé Al-Qaeda à recruter des terroristes», a déclaré Barack Obama, hier matin, lors d'un discours majeur sur la sécurité nationale. «Le coût que nous aurions à payer en maintenant Guantánamo ouvert dépasserait de loin les complications que pose sa fermeture. Nous sommes en train de nettoyer ce qui est tout simplement un gâchis», a-t-il ajouté.

Répondant à ses critiques de droite et de gauche, le président démocrate a également défendu avec vigueur sa décision de renoncer aux techniques d'interrogatoire «accrues» approuvées sous l'administration Bush pour faire parler les suspects de terrorisme, ainsi que celle de rétablir, dans un nouveau cadre judiciaire, les tribunaux militaires d'exception mis en place par son prédécesseur républicain.

«Je crois de tout mon être que nous ne pouvons pas assurer, à long terme, la sécurité de ce pays, à moins de faire appel au pouvoir de nos valeurs les plus fondamentales», a-t-il dit dans son discours prononcé aux Archives nationales à Washington.

M. Obamab a livré ce discours au lendemain d'un vote du Sénat lui refusant les fonds pour la fermeture de Guantánamo et le transfert des détenus tant qu'il n'aura pas soumis de plan détaillé à ce sujet.

Le président n'a pas présenté de tel plan, choisissant plutôt de défendre les principes qui guident ses décisions en matière de sécurité nationale. Ce faisant, il a renvoyé dos à dos ses critiques de droite et de gauche, précisant que «les Américains ne sont pas des absolutistes».

Le chef de la Maison-Blanche a accusé les critiques de la fermeture de Guantánamo d'entretenir une «peur irrationnelle» concernant le transfert de certains suspects de terrorisme vers des prisons de haute sécurité aux États-Unis.

«Gardez ceci à l'esprit: personne ne s'est jamais échappé de l'une de nos prisons fédérales dites «supermax», dans lesquelles sont enfermés des centaines de terroristes», a-t-il dit.

Le président a en outre promis de ne jamais libérer «des gens qui représentent un danger pour les Américains». Il n'a ainsi pas écarté la possibilité que certains détenus ne pouvant être jugés mais continuant à être dangereux puissent être placés en détention préventive.

«Je serai franc: c'est la question la plus difficile à laquelle nous ferons face», a-t-il dit.

Cheney

«Il n'y a pas de demi-mesures»

Cachant mal sa colère et son amertume derrière un ton sarcastique, Dick Cheney a présenté hier à Washington un véritable réquisitoire contre Barack Obama et ses politiques antiterroristes.

«L'administration a découvert qu'il est facile de se faire applaudir en Europe grâce à la fermeture de Guantánamo. Mais il est difficile de trouver une solution de rechange qui serve les intérêts de la justice et de la sécurité nationale de l'Amérique», a-t-il déclaré lors d'un discours devant l'American Entreprise Institute, un laboratoire d'idées néo-conservatrices.

L'ancien vice-président des États-Unis a pris la parole dès la fin du discours du président démocrate. Son allocution sur la sécurité nationale avait été annoncée la semaine dernière. Il ne faut sans doute pas voir comme une coïncidence la décision du chef de la Maison-Blanche d'aborder le même sujet, le même jour.

Le réquisitoire de Dick Cheney ne comportait aucune expression de regret pour les décisions controversées de l'administration Bush ni de sympathie pour la complexité des défis dont le nouveau président a hérité.

Comme elle l'a fait sur de nombreuses tribunes au cours des dernières semaines, l'ancienne éminence grise de George W. Bush a accusé le président Obama de mettre en danger la sécurité de son pays, notamment par ses décisions de fermer la prison de Guantánamo et de tourner le dos aux méthodes d'interrogatoire «accrues» approuvées sous l'administration républicaine pour faire parler les suspects de terrorisme.

Selon Dick Cheney, le débat autour de ces techniques assimilées à la torture ne peut que réjouir les ennemis des États-Unis.

«Quand ils voient le gouvernement forcé de se défendre sur la question des interrogatoires, les terroristes voient se réaliser leur souhait, à savoir la disparition de notre unité, l'ébranlement de note détermination et la distraction de nos dirigeants. Bref, ils voient la faiblesse comme une occasion», a-t-il déclaré, tout en dénonçant l'«indignation feinte» et le «moralisme bidon» des critiques des méthodes d'interrogatoire.

«Dans le combat contre le terrorisme, il n'y a pas de demi-mesures», a-t-il ajouté.

Un constat qui, selon lui, s'applique au dossier de Guantánamo.

«Je pense qu'à la réflexion, le président va se rendre compte que transférer les pires terroristes au coeur des États-Unis sera source de grand danger, et qu'il le regrettera dans les prochaines années», a-t-il dit.

L'ancien vice-président a fait allusion aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 à 25 reprises, lors de son discours, se félicitant notamment du fait que les États-Unis n'aient pas été frappés de nouveau depuis cette date.