En 2004, aux lendemains des attentats de Madrid qui ont fait près de 200 morts, José Maria Aznar, premier ministre de droite, s'est fait montrer la porte après huit ans à la tête du pays. Les Espagnols n'avaient digéré ni sa célérité à faire porter le blâme des attentats à l'ETA, le mouvement séparatiste basque, ni sa décision d'impliquer son pays dans la guerre en Irak.

 

Depuis sa défaite électorale, l'ex-politicien, grand allié de George W. Bush, a rebondi. Il siège aujourd'hui au conseil d'administration de News Corporation, la multinationale médiatique de Rupert Murdoch, propriétaire de Fox News et du Wall Street Journal. Il enseigne à l'Université de Georgetown et dirige un institut de recherche conservateur, la Fondation pour les études sociales et l'analyse. Il était de passage à Montréal hier pour prononcer un discours sur l'avenir de l'Europe dans le cadre de la série de conférences 357C, chapeauté par l'homme d'affaires Daniel Langlois. La Presse en a profité pour interroger (en français!) M. Aznar sur l'avenir de la droite à l'ère de la crise économique et du président Obama.

Q Vous êtes l'un des plus grands défenseurs du libéralisme. Est-ce devenu mission impossible avec la crise économique actuelle?

R Au contraire. Je ne crois pas que la crise soit la faute de l'économie libre. C'est le prétexte qui a été trouvé pour mettre les mains de l'État sur l'économie. La réponse à la crise, c'est plus de liberté. Ce n'est pas plus de dépenses, plus de déficit, plus de dettes et plus d'interventionnisme. Pas plus de réglementation, mais une meilleure réglementation. Les pays qui prennent le chemin de la libéralisation, de l'innovation et de l'ouverture à l'extérieur seront les premiers à s'en sortir. Malheureusement, au G20, 17 des 20 pays ont adopté des mesures protectionnistes.

Q Que pensez-vous des remèdes proposés par Barack Obama pour traverser la crise actuelle?

R Barack Obama a une grande occasion devant lui. Sa capacité de leadership est indéniable. Mais ses décisions sont difficiles à juger pour le moment, c'est le temps qui le dira. Je lui souhaite du succès.

Q Pourtant, quand il a été élu, vous avez soulevé un certain tollé en disant que l'élection d'un premier président noir était de l'«exotisme historique». Vous avez changé d'idée depuis?

R J'ai été mal cité. J'ai dit que ça prenait des circonstances exceptionnelles pour qu'il soit élu. C'est arrivé après une grande bataille au sein des partis démocrate et républicain. Et à un moment où il y a beaucoup de grands problèmes dans le monde à régler.

Q Vous avez dit à maintes reprises que la droite européenne doit imiter la droite américaine qui, je vous cite, a «gagné la bataille des idées». Après sa déconfiture aux dernières élections américaines, comment la droite peut-elle renaître de ses cendres?

R Le Parti républicain américain a besoin d'une transformation. Il a besoin de temps pour trouver un nouveau leader et de réorganiser ses idées. Il a l'occasion de se poser des questions importantes sur l'économie, la présence de l'État dans l'économie et au point de vue de la sécurité internationale. En Europe, la droite est majoritaire et ça semble être une tendance: en Allemagne, en Italie, en France. J'espère que l'Espagne fera la même chose aux prochaines élections. Mais je ne serai pas de la course.

Q Votre décision d'impliquer l'Espagne dans la guerre en Irak a eu un immense impact sur votre carrière politique. Vous êtes présentement poursuivi par le Parti communiste espagnol pour cette décision. Feriez-vous les choses différemment aujourd'hui? Bush a-t-il eu tort de partir en guerre?

R Je crois que les choses se sont améliorées depuis la guerre en Irak. Le monde est plus sûr depuis le départ de Saddam Hussein. Je ne regrette pas d'avoir envoyé l'armée espagnole en Irak: 18 des 35 pays européens ont fait la même chose! Avec ce qui se passe ailleurs en Iran, au Pakistan et en Afghanistan, on voit que maintenant les États-Unis se retirent et je pense que c'est une décision correcte.