La Turquie et l'Arménie ont jeté les fondements d'une normalisation en s'entendant sur une «feuille de route», des efforts salués par la communauté internationale mais qui inquiètent l'Azerbaïdjan, proche allié d'Ankara dont une partie des terres sont sous occupation arménienne.

Des pourparlers avec la médiation de la Suisse ont abouti à «des progrès concrets et à une compréhension mutuelle», a annoncé tard mercredi le ministère turc des Affaires étrangères.

La Turquie et l'Arménie qui n'entretiennent pas de rapports diplomatiques, «sont tombées d'accord sur un cadre global pour la normalisation de leurs relations bilatérales d'une manière propre à satisfaire les deux parties. Une feuille de route a été déterminée dans ce contexte», souligne un communiqué.

Les progrès obtenus «créent une perspective positive pour le processus en cours», a poursuivi le ministère, sans fournir de détails sur le contenu de l'accord.

Ankara n'entretient pas de relations diplomatiques avec Erevan depuis l'indépendance de l'Arménie --naguère république soviétique-- en 1991 en raison de divergences sur la question des massacres d'Arméniens survenus dans l'Empire ottoman entre 1915 et 1917.

Les massacres et déportations d'Arméniens pendant cette période ont fait plus d'un million et demi de morts selon les Arméniens, 300 000 à 500 000 selon la Turquie qui récuse catégoriquement la notion de génocide reconnue notamment par la France, le Canada et le Parlement européen.

Le communiqué turc de mercredi intervient peu avant la commémoration, le 24 avril, des victimes du génocide.

La Turquie a fermé sa frontière avec l'Arménie en 1993 en soutien à l'Azerbaïdjan turcophone, Bakou étant en conflit avec Erevan pour le contrôle de la région du Nagorny Karabakh (ou Haut-Karabakh), enclave peuplée d'Arméniens en territoire azerbaïdjanais.

Les séparatistes arméniens ont pris le contrôle de ce territoire à l'issue d'un conflit armé qui a fait près de 30 000 morts au début des années 1990.

Une visite historique du président turc, Abdullah G-l, à Erevan en septembre dernier, à l'occasion d'un match de football entre les deux pays, a cependant mis un terme au silence diplomatique et les deux pays ont affiché leur intention de normaliser leurs relations.

Les contacts se sont depuis multipliés au niveau ministériel et en janvier, à Davos (Suisse), le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'est entretenu avec le président arménien Serge Sarkissian, qui le 10 avril a dit s'attendre à une ouverture de la frontière dans l'année.

L'administration américaine s'est investie dans la recherche d'une solution, le président Barack Obama appelant début avril à Istanbul la Turquie et l'Arménie à trouver «rapidement» un accord en vue d'une normalisation.

M. Obama avait alors fait comprendre qu'il n'avait pas changé d'avis sur la réalité du génocide arménien, mais qu'il préférait mettre l'accent sur les efforts actuels des deux pays.

Washington et Paris ont salué jeudi les efforts des deux voisins tandis que l'Azerbaïdjan a appelé son proche allié turc à lier ses efforts de réconciliation avec l'Arménie à un retrait arménien du Nagorny Karabakh.

Le premier ministre turc avait exclu le 10 avril une normalisation des relations avec l'Arménie sans résolution du conflit azerbaïdjano-arménien.

Les efforts de rapprochement ont en revanche été dénoncés par un parti d'opposition arménienne, la Fédération révolutionnaire arménienne (Dachnaktsoutioun), qui a menacé de quitter le gouvernement si Erevan poursuivait ses efforts avec Ankara sans qu'elle ne reconnaissance au préalable le génocide arménien.