Après avoir fait face à la crise économique avec ses homologues lors du sommet du G20, le président américain Barack Obama s'attaque à un autre dossier épineux: l'Afghanistan.

Le charismatique politicien, accueilli hier par une foule d'admirateurs à son arrivée à Strasbourg, entend profiter du sommet de l'OTAN qui débutait dans la ville pour convaincre les pays membres de mobiliser plus de troupes pour contrer l'insurrection en cours en sol afghan.

Il a précisé, à l'issue d'une rencontre bilatérale avec le président français Nicolas Sarkozy, qu'il ne s'agissait pas d'une guerre «américaine».

L'Europe, a souligné le chef d'État, est plus menacée par Al-Qaeda que les États-Unis et doit donc se sentir concernée au premier plan par la réussite de l'opération militaire.

Le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, a indiqué qu'un contingent additionnel de 4000 soldats provenant des pays membres de l'organisation serait requis pour assister les 20 000 soldats additionnels que les États-Unis promettent de mobiliser.

Phase meurtrière

Ni M. Sarkozy ni Mme Merkel, qui a aussi rencontré hier le président américain, n'ont cependant pris d'engagement relativement à l'envoi de nouvelles troupes. La Grande-Bretagne serait prête pour sa part à augmenter «temporairement» son contingent militaire.

Jason Burke, auteur anglais d'un livre de référence sur Al-Qaeda et les talibans, croit que l'opération en cours en Afghanistan est déjà largement dominée par les troupes américaines - plus nombreuses et mieux équipées - et le sera plus encore avec le contingent devant être envoyé en renfort.

Le journaliste, qui rentre d'un séjour de trois semaines dans le pays, estime que les insurgés sont solidement en contrôle sur un quart du territoire et en position de contester le pouvoir aux autorités gouvernementales sur une autre moitié du territoire.

«Il y a une forme d'impasse à l'heure actuelle. Les insurgés sont arrivés au bout du vide qu'ils pouvaient facilement occuper», indique M. Burke, qui s'attend à ce que la prochaine phase du conflit soit particulièrement meurtrière.

Une opération de contre-insurrection comme celle qui est en cours peut prendre 10 ou 15 ans avant de réussir, souligne le journaliste. Il doute que les populations occidentales toléreront un engagement aussi long.

Loi embarrassante

Hier, le secrétaire général de l'OTAN a souligné que la tâche de convaincre ces populations «sceptiques» était compliquée par une loi étudiée par le gouvernement afghan qui limiterait grandement les droits des femmes chiites, leur interdisant de refuser des rapports sexuels à leur mari. Difficile, a-t-il souligné, de défendre l'envoi de nouvelles troupes alors «que nos garçons et nos filles sont en train de mourir pour défendre des valeurs universelles».

«C'est extrêmement troublant et inquiétant pour nombre d'alliés» de l'OTAN, a confirmé hier à Strasbourg le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, qui demande au gouvernement afghan d'Hamid Karzaï de «s'expliquer» sur le sujet.

Le ministre canadien du Commerce international, Stockwell Day, a affirmé à Montréal que la loi devait être révisée pour «refléter les obligations de l'Afghanistan de respecter les droits de la personne, les droits des femmes».

En plus de discuter de la délicate question afghane, le sommet de l'OTAN, qui marque le 60e anniversaire de l'organisation de défense transatlantique, fera une place à la question des relations avec la Russie.

Un rapprochement entre Washington et Moscou a été esquissé lors du sommet du G20, ce qui n'a pas empêché hier le président américain de critiquer «l'invasion» de la Géorgie par des troupes russes l'été dernier.

La rencontre marquera aussi le retour formel dans le commandement intégré de l'OTAN de la France. Le général Charles de Gaulle avait claqué la porte de l'organisation dans les années 60 en disant vouloir protéger la souveraineté de son pays.

Le sommet doit, enfin, permettre de choisir un successeur à Jan de Hoop Scheffer, qui termine son mandat en août.

- Avec Violaine Ballivy