Le Parquet sud-africain a prolongé vendredi, à moins de trois semaines des élections générales, le suspens sur un éventuel abandon des poursuites pour corruption qui pèsent sur le grand favori de la course à la présidence, Jacob Zuma.

Le sujet tend à occulter les autres thèmes de campagne et les services du procureur général (NPA) ont remis à lundi leur décision sur les prochaines étapes du dossier, initialement annoncée pour vendredi.

Un point de presse aura lieu lundi à 08H30 GMT, a indiqué le porte-parole du NPA, Tlali Tlali, cité par l'agence Sapa. «La décision pourra aller dans un sens comme dans l'autre», a-t-il ajouté.

Zuma, chef du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, est accusé d'avoir reçu des pots-de-vin d'une succursale du groupe d'armement français Thales.

Après plusieurs rebondissements de procédure et la condamnation en 2005 de son conseiller financier, il a été inculpé pour corruption, racket et fraude fiscale en décembre 2007. L'ouverture de son procès reste pour l'instant fixée au 25 août.

Mais d'ici là, compte-tenu de l'ultramajorité de l'ANC, il est quasiment certain d'accéder à la présidence de la République, à l'issue du scrutin du 22 avril. Selon un sondage Ipsos publié vendredi, l'ancien mouvement de lutte contre l'apartheid dispose en effet de 64,7% des intentions de vote.

Ce score n'est que légèrement inférieur aux près de 70% des voix obtenues par l'ANC aux dernières élections générales de 2004, malgré l'apparition du Congrès du peuple (Cope), fondé en décembre par des dissidents qui ne recueillent pour l'instant que 8,9% des intentions de vote.

En Afrique du Sud, le chef de l'État est élu par l'Assemblée nationale après les élections générales. L'ANC répète depuis des mois que Jacob Zuma sera son candidat, que les poursuites contre lui soient abandonnées ou pas.

Selon la Constitution, seules les personnes condamnées à des peines de prison sont inéligibles. Par ailleurs, aucun mandat électif ne gèle les poursuites.

Si l'inculpation de Jacob Zuma n'est pas levée, il pourra donc être jugé comme n'importe quel citoyen, même s'il est le président du pays, ce qui pourrait être embarrassant pour l'image de l'Afrique du Sud, selon des commentateurs.

Depuis deux semaines, le sujet fait la une des quotidiens, qui se disent certains que le Parquet abandonnera le dossier avant les élections, en se basant sur de nouveaux éléments transmis récemment par la défense de Jacob Zuma.

Ces éléments sont censés confirmer la thèse des partisans du tribun zoulou, qui assurent depuis des années que leur dirigeant est victime d'un complot politique orchestré par l'ex-chef d'État Thabo Mbeki.

Le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), s'est par avance élevé contre l'éventuel abandon de plus de huit ans d'enquête, tout en estimant que «le délai dans l'annonce de la décision du NPA attestait des profondes divisions en son sein».

«Presque tous les acteurs de ce drame sordide ont désormais intérêt à l'enterrer. Mais une conspiration en ce sens serait un scandale incommensurable et ferait un tort irréparable à notre démocratie», a déclaré sa chef, Helen Zille.

Jeudi, le Nobel de la paix Desmond Tutu a provoqué la colère de l'ANC en déclarant n'être pas enthousiaste à l'idée de voir Jacob Zuma, 66 ans, à la tête du pays. «S'il est innocent comme il le dit, alors, pour l'amour de Dieu, qu'il laisse un tribunal le reconnaître», avait réclamé l'ancien archevêque anglican du Cap.