La réconciliation franco-chinoise scellée par une rencontre à Londres des présidents Nicolas Sarkozy et Hu Jintao a été accueillie avec prudence en Chine, où les commentateurs relèvent que le communiqué conjoint publié in extremis avant le G20 ne lève pas toutes les ambiguïtés.

Près de quatre mois après l'entretien entre Sarkozy et le dalaï lama, qui avait provoqué la colère de Pékin, les deux pays ont réussi à trouver un terrain d'entente à l'issue de négociations ardues.

«On a l'impression que pour arriver à ce consensus, il a fallu parcourir un long chemin, il y a sûrement eu des discussions pénibles», juge Xing Hua, chercheur à l'Institut chinois des relations internationales à Pékin.

A propos du Tibet, ce communiqué souligne que «dans le respect du principe de non-ingérence, la France récuse tout soutien à l'indépendance du Tibet sous quelque forme que ce soit».

«Si ces principes sont mis en pratique, la Chine et la France pourront retrouver des relations qui étaient traditionnellement bonnes» depuis l'établissement des relations diplomatiques il y a 45 ans, dit Xing Hua.

Chaque mot du communiqué conjoint -- qui souligne aussi l'attachement des deux capitales au «partenariat stratégique global» --, a sûrement été soigneusement pesé. Car si la France y manifeste son refus de soutenir l'indépendance du Tibet, rien n'est dit sur le dalaï lama, chef spirituel des Tibétains, lequel plaide, depuis plusieurs années, pour une autonomie au sein de la Chine.

«On doit se contenter pour le moment de ce résultat, des principes ont été réaffirmés, c'est une bonne nouvelle, on ne doit pas être excessivement exigeant», affirme Xing Hua.

Cependant, pour Ding Yifan, chercheur dans un centre de recherches dépendant du Conseil d'Etat (gouvernement), «la Chine doit rester extrêmement vigilante» sur la question tibétaine.

«Le dalaï lama se livre à ses activités en Occident depuis de nombreuses années. Il a une influence qui n'est pas négligeable et les pays occidentaux, notamment la France, ont des divergences compliquées depuis longtemps avec la Chine sur la question tibétaine», relève-t-il.

Sur l'internet, les plus nationalistes affichent leur scepticisme.

«Pourquoi le communiqué n'évoque-t-il pas clairement la rencontre de Sarkozy et du dalaï lama?», se demande un internaute de Pékin sur le site sina.com, estimant que le président français doit en «payer le prix».

«Le fait que la France ne soutienne pas l'indépendance du Tibet et la sympathie envers le dalaï lama sont deux choses différentes», souligne un autre.

Pour le chercheur Xing Hua, les deux pays doivent surtout reprendre le fil des discussions au plus haut niveau pour «réellement et solidement trouver des bases fortes pour leurs futures relations».

En écho, sur son blog en chinois, l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, qui s'était rendu en Chine début février, juge que «la ligne politique de notre relation est maintenant durablement fixée».

«Je serai en Chine la semaine prochaine avec le Comité France-Chine pour engager concrètement cette dynamique nouvelle», dit-il.

De son côté, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Qin Gang, a appelé la France à honorer ses promesses.

«La France a pris un engagement solennel. La position de la France est explicite et claire», a-t-il expliqué aux journalistes, refusant de dire toutefois si Paris s'était engagé à ne plus accueillir le dalaï lama.