La tension a un peu diminué vendredi en Guadeloupe, plongée dans le chaos par un mois de grève générale, au lendemain de l'annonce par le président français Nicolas Sarkozy d'une enveloppe de 580 millions d'euros pour l'outre-mer.

La nuit de jeudi à vendredi a été «plus calme que les précédentes», a indiqué la préfecture de Guadeloupe, après trois nuits de violences marquées notamment par la mort d'un syndicaliste.

«Il n'y a eu aucun magasin pillé ou incendié», selon la même source, mais les forces de l'ordre ont encore essuyé des tirs d'armes à feu, à Gosier, station touristique proche de Pointe-à-Pitre, la ville principale de cette île française des Antilles.

Au total, les forces de l'ordre ont procédé à trois interpellations pendant la nuit. Les pompiers sont intervenus à 17 reprises, contre 40 la nuit précédente.

Nicolas Sarkozy, rompant un silence public qui lui a été beaucoup reproché, a reçu jeudi soir les élus de l'outre-mer, auxquels il a promis d'agir pour ramener la paix civile, au bout d'un mois de conflit.

Le président français, qui doit se rendre en Guadeloupe en avril pour y ouvrir une série de consultations, a aussi annoncé un effort supplémentaire de l'Etat de 580 millions d'euros pour les départements d'outre-mer (DOM).

Le gouvernement entend ainsi permettre une hausse de presque 200 euros des plus bas salaires, principale revendication du Collectif contre l'exploitation (LKP) qui mène le mouvement social dans l'île.

Le patronat aurait à accomplir une part de l'effort, sous la forme d'une prime exonérée de charges. La mesure concernera en cas d'accord quelque 45.000 Guadeloupéens (sur environ 450.000 habitants).

Le leader du LKP, Elie Domota, a annoncé quelques heures après l'intervention présidentielle la reprise vendredi à 15H00 (19H00 GMT), des discussions officiellement interrompues depuis une semaine.

Il s'est toutefois montré extrêmement circonspect, jugeant «particulièrement floues» les propositions faites par Nicolas Sarkozy.

Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Yves Jégo s'est montré «prudent» vendredi quant aux chances de réussite de l'accord. «Ce n'est pas parce que la solution est sur la table que l'accord est conclu», a-t-il dit.

«Le point dur, je l'ai dit depuis le début, ça ne m'a pas fait que des amis, c'était le patronat, qui considérait que tous les efforts salariaux qu'il devait faire devait être compensé à 100% par l'Etat», a poursuivi M. Jégo.

Le président français a aussi évoqué jeudi soir sur la télévision RFO l'arrière-plan historique du conflit, en évoquant les «frustrations, les blessures, les souffrances» des habitants d'outre-mer.

Le conflit contre la vie chère entamé le 20 janvier en Guadeloupe a touché l'île voisine de Martinique début février.

Dans ces départements d'outre-mer où le chômage dépasse les 20% et les prix sont très élevés, le conflit réveille aussi des tensions raciales entre la population noire et la minorité blanche, dont les familles de «békés», descendants des colons esclavagistes.

Ces familles contrôlent une bonne partie de l'économie, dont la grande distribution, responsable aux yeux des grévistes du niveau des prix.

Le président socialiste de la région de Guadeloupe, Victorin Lurel, a déploré vendredi cette «racialisation du conflit». «On voit les comportements: on brûle spécifiquement certaines entreprises appartenant aux blancs», a-t-il regretté.