Un homme a été tué par balle dans la nuit de mardi à mercredi en Guadeloupe, où la grève générale entamée il y a un mois dégénère en émeutes, malgré les appels au calme du gouvernement et des syndicats.

La victime, un syndicaliste d'une cinquantaine d'années qui revenait d'un piquet de grève, n'a pas été atteinte par une balle perdue, a affirmé mercredi le procureur de Pointe-à-Pitre, Jean-Michel Prêtre. Il a exclu un tir des forces de l'ordre.

Le procureur n'a pas écarté en revanche l'hypothèse selon laquelle, compte tenu de leur âge, la victime et son passager auraient pu être confondus avec des policiers circulant en voiture banalisée par les bandes de jeunes qui tenaient les barricades dans un quartier sensible de Pointe-à-Pitre.

Il s'agit du premier mort du conflit social qui paralyse l'île antillaise depuis le 20 janvier et qui s'aggrave de jour en jour.

Selon les autorités, plusieurs coups de feu ont été tirés au cours de la nuit par des manifestants, blessant légèrement six membres des forces de l'ordre.

Des magasins ont été pillés à Pointe-à-Pitre, principale agglomération de l'île, et dans d'autres localités, et des barrages érigés dans les rues désertées par les habitants.

Trois policiers ont été légèrement blessés par des tirs d'armes à feu dans une cité de Pointe-à-Pitre alors qu'ils accompagnaient des pompiers venus porter secours au syndicaliste atteint par balle.

A Baie-Mahault (10 km de Pointe-à-Pitre), des jeunes armés de fusils à pompe ont tiré à balles réelles en direction des forces de l'ordre et trois gendarmes ont été légèrement blessés.

Face à cette flambée de violences, la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a annoncé l'arrivée mercredi soir de près de 300 gendarmes en renfort. Peu avant, le maire de Pointe-à-Pitre avait déploré le manque de forces de police pour «assurer l'ordre public».

Le président Nicolas Sarkozy longtemps resté silencieux a confirmé qu'il allait recevoir jeudi les élus l'outre-mer «pour répondre à l'angoisse, à l'inquiétude et à une certaine forme de désespérance de nos compatriotes» de ces territoires.

Le Collectif contre l'exploitation (LKP), fer de lance de la grève générale, a appelé au calme.

Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Yves Jégo a envisagé un accord salarial en «fin de semaine», assurant que «les médiateurs travaillent en coulisse».

Le LKP, qui réclame une hausse de 200 euros des bas salaires, accuse le gouvernement d'être revenu sur un engagement à compenser, par des baisses de charges, cette augmentation salariale.

La grève a cristallisé un profond malaise économique et social dans l'île, mais aussi des tensions entre la minorité blanche et la population noire, sur un fond historique marqué par l'esclavage.

Plusieurs magasins et entreprises appartenant à des familles blanches, les «békés» (descendants de colons), ont été pillés.

La dirigeante du parti socialiste Martine Aubry a exhorté le chef de l'Etat à s'«intéresser» aux départements d'outre-mer.

Le conflit en Guadeloupe et en Martinique, l'autre île française touchée par la grève depuis le 5 février, a pour première cause la cherté de la vie, alors que le taux de chômage y est le plus élevé de l'Union européenne et le PIB par tête deux fois inférieur à la métropole.