Maxime Cardoz sillonne les rues de Genève à bord d'une Porsche Cayenne grise, un rutilant véhicule utilitaire sport (VUS) des plus dispendieux.

Ce «gérant de fortune» de 43 ans, croisé par La Presse alors qu'il faisait une course au centre-ville, affirme que l'usage d'un véhicule de cette taille est d'abord pour lui une question de confort et non de prestige.

 

«Je suis trop grand. Dans les voitures ordinaires, mes jambes se retrouvent coincées sous le tableau de bord», souligne M. Cardoz, qui ne s'émeut pas outre mesure des émissions de CO2 de son VUS, évaluées à plus de 300 grammes par kilomètre parcouru, soit trois fois celles des modèles les moins polluants.

«Je ne suis pas certain qu'il soit plus dommageable pour l'environnement que certaines petites voitures que l'on voit sur les routes. Il y a en a qui font un bruit incroyable au départ. On a l'impression qu'une bombe explose», dit l'automobiliste.

Les écologistes pensent, de leur côté, que le Cayenne ne devrait tout simplement plus pouvoir circuler sur les routes de Genève. Ou de Suisse.

La section jeunesse du parti des verts a lancé l'année dernière une initiative populaire en vue d'obtenir «des véhicules plus respectueux des personnes».

Leur proposition vise en fait à interdire l'homologation de véhicules dont les émissions de CO2 excèdent 250 grammes par kilomètre. Ce seuil, selon une étude suisse, touche la moitié des modèles de VUS disponibles dans le pays, le quart des voitures de sport et un cinquième des limousines. Au total, plus de 400 des 4835 modèles actuels seraient interdits.

Les personnes possédant des véhicules hors norme avant l'entrée en vigueur de la loi seraient autorisées à les conserver mais se verraient imposer une limite de vitesse de 100 km/h pour réduire leurs émissions.

Les écologistes veulent aussi fixer un poids maximal pour les véhicules de manière à réduire les risques d'accident mortel.

Le texte précise que l'initiative ne vise pas «bêtement les 4x4» mais bien tous les véhicules polluants afin de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre en Suisse, le transport privé émettant un tiers du total du pays.

Vers un référendum

L'initiative a reçu l'appui de plus de 120 000 personnes, ce qui suffit pour obliger les autorités fédérales à tenir un référendum à l'échelle nationale. Le processus devrait prendre deux ou trois ans encore. Avant d'être suivi par une loi si le oui l'emporte.

La victoire est loin d'être acquise puisque importateurs et amateurs d'automobiles promettent de monter au front.

Charles Friderici, secrétaire général d'une section de l'Automobile Club de Suisse, un groupe de défense des automobilistes, croit que l'initiative des écologistes est «rétrograde» et inutile parce qu'elle utilise un seuil d'émission plus élevé que celui que l'Union européenne entend imposer d'ici 2012 aux producteurs automobiles.

La Commission européenne souhaite que le taux moyen d'émission de CO2 des véhicules soit alors réduit à 130 grammes par kilomètre. Des VUS à forte émission deviendront presque automatiquement impossibles à produire dans ce contexte, rendant improbable l'importation de voitures polluantes en Suisse, souligne M. Friderici.

Le fait d'interdire l'entrée dans le pays de certains modèles pourrait par ailleurs contrevenir aux lois de libre circulation des biens défendues par l'Organisation mondiale du commerce, précise le porte-parole, qui mise plutôt, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, sur le perfectionnement de la voiture électrique.

Les verts croient que la population réalisera ultimement que l'effort demandé est minime. «Aujourd'hui, les Suisses changent de voiture en moyenne tous les cinq ans. Ce n'est pas un gros sacrifice que de choisir un modèle respectueux de la sécurité et de l'environnement», plaidait récemment l'un des députés à l'origine du projet.

Maxime Cardoz a beau la juger «stupide», il ne ferait pas trop de cas de l'adoption d'une loi inspirée de l'initiative des verts. «S'il faut s'adapter, on s'adaptera. C'est comme pour la cigarette», conclut-il.