À Munich, le 30 septembre 1938, après trois longues séances tendues entre Hitler, Mussolini, Daladier et Chamberlain, le Führer obtient le rattachement des Sudètes à l'Allemagne. Paris et Londres cédent à ses exigences dans l'espoir, vite déçu, de sauver la paix.

À minuit et demi, après douze heures de tractations, un accord en huit points, est signé. Il prévoit l'évacuation immédiate des populations slaves de la région des Sudètes, où vivent trois millions de germanophones. Hitler obtient aussi que les citoyens tchèques de langue allemande, même vivant en dehors des Sudètes, soient «libérés» par Prague.

Seule concession de pure forme: il reviendra aux autorités tchécoslovaques d'«effectuer» ladite «évacuation», et une «commission internationale» sera chargée de la «fixation finale des frontières».

Mais six mois plus tard, le 15 mars 1939, la Wehrmacht occupe l'ensemble de la Tchécoslovaquie, un an après l'annexion de l'Autriche (Anschluss). Les pays tchèques constituent un protectorat et la Slovaquie devient un Etat pronazi.

Après l'accord, Prague est pratiquement en deuil, tout spectacle est annulé, les gens manifestent leur tristesse et leur colère.

«Le pays de Saint Wenceslas a été menacé par une armée étrangère et ses frontières millénaires ont été violées. Cet immense sacrifice, le peuple l'a fait contre sa volonté, sur ordre de la France amie et de l'Angleterre», déplore le cardinal Kaspar, archevêque de Prague.

Croyant la paix sauvée, des milliers de Britanniques acclament Neville Chamberlain. Et Edouard Daladier a droit à un bain de foule à son retour à Paris.

Le 4 octobre, la Chambre des députés écoute un Daladier triste. L'accord est voté par 535 voix contre 75, les communistes et quelques individualités votant contre.

Le dirigeant socialiste français Léon Blum exprime sa «joie profonde» car la France est «libérée d'une catastrophe», mais aussi sa «douleur profonde en songeant à la nation alliée et amie qui a sacrifié à la paix une partie de son intégrité».

«On vient d'immoler une victime», s'insurge le communiste Gabriel Péri.

A Westminster, Winston Churchill est le plus sévère: «L'Angleterre avait le choix entre déshonneur et guerre. Elle a choisi le déshonneur et elle aura la guerre».

Au fil des mois, les milieux politiques et l'opinion se retournent et comprennent, devant les nouvelles menaces, qu'Hitler n'entend pas s'arrêter là, et qu'une guerre est inévitable.

Le terme de «munichois», signifiant «lâche», «faible», «veule» ou «capitulard» apparaît dès 1939, telle une injure, dans la presse. Il est depuis entré dans le langage courant.

Il a été employé notamment pendant la guerre de l'ex-Yougoslavie par ceux qui estimaient que trop de «concessions» étaient faites aux dirigeants serbes.

Le 11 août dernier, le président russe Dmitri Medvedev a appelé les Occidentaux à ne pas reproduire les «accords de Munich», en se montrant conciliants avec la Géorgie.

Initiative qui a fait mouche en France, en 1993, Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale et proche de Jacques Chirac avait dénoncé le «Munich social» du gouvernement d'Edouard Balladur.