Avec le choix de Sarah Palin, une évangéliste exubérante, les républicains ont réussi à ramener la foi et la religion dans la campagne électorale. Les démocrates pensaient bien que l'économie et la guerre en Irak marginaliseraient les questions morales, d'autant plus que Barack Obama est beaucoup plus à l'aise avec la rhétorique de la foi que ne l'étaient John Kerry ou Al Gore. À moins de deux mois du 4 novembre, la campagne démocrate doit à nouveau se préoccuper du vote religieux.

Cette semaine, la campagne de Barack Obama a lancé une gamme d'autocollants, de pancartes et de macarons à saveur religieuse. Un courriel intercepté par le site Beliefnet annonçait l'envoi de matériel publicitaire destiné aux électeurs religieux. Parmi les slogans: «Catholiques pour Obama», «Croyants pour Obama», «Obama pour la famille».

 

La nouvelle survient après un mois d'une campagne républicaine qui a marqué beaucoup de points auprès de cet important groupe d'électeurs. Le coup d'éclat a évidemment été la nomination de la gouverneure de l'Alaska, Sarah Palin, comme colistière,une décision qui a probablement comblé le fossé qui séparait John McCain des évangélistes conservateurs et des militants pro-vie.

En fait, tout a commencé à la mi-août à l'église californienne Saddleback. Obama et McCain ont alors répondu ensemble aux questions du public. Ils étaient interrogés par Rick Warren, que plusieurs voient comme le successeur de Bill Graham comme «pasteur de l'Amérique».

Warren s'était depuis 2004 éloigné du Parti républicain, en insistant sur des thèmes comme les changements climatiques ou l'immigration, en plus des questions morales comme l'avortement. Obama devait donc neutraliser pour de bon la question de la foi, profitant du fait que John McCain ne semblait pas particulièrement à l'aise dans les discussions publiques sur le sujet.

L'occasion a été ratée. Le point de match a été la réponse des deux candidats à la question d'un fidèle: «La vie commence-t-elle dès la conception?» McCain n'a pas fait dans la dentelle et a répondu que oui. Obama l'a esquivée en répondant qu'il s'agit d'un sujet «au-dessus de son échelle salariale».

Il a fallu attendre trois semaines pour que le sénateur de l'Illinois admette, en entrevue télévisée, que cette réponse faisait «probablement» trop dilettante.

Dieu et Palin

«Le grondement de la foule lors du discours de Palin à la convention républicaine, au Minnesota, célébrait le nouveau mariage entre les évangélistes et les républicains», affirme Deal Hudson, un chroniqueur catholique conservateur qui a le premier montré que les catholiques pratiquants votent en majorité républicain, une idée reprise par Karl Rove lors des élections de 2000 et 2004.

«Je ne sais pas si Obama va réussir à regagner du terrain avec sa «tournée de la foi» la semaine prochaine. Une chose est sûre, la droite religieuse comptera autant cette année.»

Le camp démocrate reconnaît que la foi est revenue au menu. «Le choix de Palin signifie que l'avortement, l'homosexualité, la théorie de l'évolution et le rôle de la religion dans la vie publique font à nouveau irruption dans la campagne», a déclaré à l'Associated Press un analyste du groupe Américains unis pour la séparation de l'Église et de l'État.

Tout au plus espère-t-on que les modérés seront contrariés par les positions controversées de Sarah Palin, qui estime que l'avortement devrait être interdit même en cas d'inceste ou de viol. Une loi à cet effet a été renversée au Dakota-du-Sud par une faible majorité de 55%, en 2004. Les groupes pro-choix comme NARAL signalent une augmentation des dons électoraux depuis la fin d'août.

L'antéchrist en Europe

Chose certaine, le retour de la religion dans l'arène est une surprise. L'an dernier, le magazine de droite The National Review avait annoncé «l'adieu aux guerres de culture». Cet été, le Wall Street Journal a affirmé que le nombre grandissant de missions à l'étranger rend les évangélistes moins dogmatiques et plus conscients que les problèmes sociaux ont leur importance tout comme les questions morales.

Plus tôt cette année, John McCain a refusé l'appui du pasteur John Hagee parce que ce dernier estime que l'antéchrist sera un président de l'Union européenne et qu'il a en outre qualifié les révérends extrémistes Pat Robertson et Jerry Falwell d'«agents d'intolérance».

«Je demeure persuadé que les électeurs ne s'en tiendront pas aux questions morales», affirme Jim Wallis, éditeur du magazine religieux de gauche Sojourners et auteur du livre God's Politics: Why the Right Gets It Wrong and the Left Doesn't Get It. «Dans un monde normal, personne ne devrait fonder son vote sur les croyances religieuses et la foi d'un candidat.»

On saura le 4 novembre s'il s'agit d'un voeu pieux.