Nicolas Sarkozy a marqué un point en obtenant de Moscou l'engagement que ses troupes auront quitté la Géorgie sous un mois, mais sa victoire reste partielle puisque la Russie confirme sa mainmise sur les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, estiment les analystes.

Berlin, Londres ou Washington ont «salué» l'accord donné par le président russe Dmitri Medvedev au retrait de toutes les troupes russes de Géorgie d'ici un mois - en insistant pour le respect par Moscou de ce nouveau délai - et au déploiement d'une mission d'observation de l'UE à partir de fin septembre.

«C'est un succès important de la présidence française de l'UE», a indiqué le ministère allemand des Affaires étrangères, tandis que le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini se félicitait que «pour la première fois, des échéances de calendrier ont été posées».

Pour Antonio Missiroli, analyste au European Policy Center de Bruxelles, la fixation d'un délai d'un mois pour le retrait de Géorgie permet en effet de disposer d'«une échéance mesurable et de +mesureurs+», sous la forme des quelque 200 observateurs de l'UE qui doivent se déployer en Géorgie.

«Même si le délai est plus long que celui que les Européens et l'Occident en général jugeaient souhaitable», la Russie reste «sous pression», dit-il, puisqu'il y aura, immédiatement après la conférence annoncée des donateurs sur la Géorgie, un sommet européen les 15-16 octobre.

Nicolas Sarkozy a effectivement laissé planer cette menace lundi soir : si à l'expiration du délai imparti les troupes russes n'étaient pas revenues à leurs positions d'avant le 7 août, «alors cinq jours plus tard, l'Europe en tirera les conséquences», a-t-il déclaré.

Les dirigeants européens - qui ont jusqu'ici écarté toute sanction et simplement gelé les négociations sur un accord de partenariat renforcé avec la Russie - pourraient alors aller plus loin. En revenant sur certains avantages commerciaux accordés à Moscou ou encore annuler le sommet UE-Russie prévu à Nice le 14 novembre, estime l'analyste Andrew Wilson, du Conseil européen pour les relations extérieures à Londres.

Mais Nicolas Sarkozy n'a rien dit lundi pour soutenir les appels répétés du président géorgien Mikheïl Saakachvili au «respect de l'intégrité territoriale» de la Géorgie - qui suppose que l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud restent sous tutelle de Tbilissi.

Or pour beaucoup d'analystes, cette lacune fait des résultats obtenus par l'UE «au maximum une demi-victoire».

La Russie semble ainsi «consolider sa mainmise sur les deux territoires», ce qui pourrait rendre la mission difficilement acceptable par la Géorgie, souligne ainsi Sabine Freizer, de l'International Crisis Group.

D'autant que la Russie n'a pas confirmé les assurances données lundi soir par Sarkozy, selon lesquelles les observateurs de l'UE auraient «vocation à entrer» en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a même souligné mardi que les forces russes resteraient «longtemps» en Abkhazie et Ossétie, et qu'il considérait désormais les observateurs européens comme garants «des actes de la partie géorgienne».

Faute de garantie sur son champ d'action, la future mission européenne - à laquelle les ministres des Affaires étrangères de l'UE devraient donner leur feu vert juridique lundi prochain - pourrait se retrouver dans la position inconfortable d'observer le respect des nouvelles «frontières» de la Géorgie, telles que redéfinies par l'intervention russe.

«La bonne nouvelle est que les pourparlers montrent que la Russie n'est pas imperméable aux pressions extérieures. La mauvaise est que l'UE risque de se retrouver en difficultés» et d'être «accusée d'aider la Russie à imposer» l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, observe Tomas Valasek, du Centre pour les réformes européennes à Londres.