Les forces américaines, qui jusqu'alors niaient, mènent une nouvelle enquête sur un bombardement qui a tué, selon Kaboul et l'ONU, au moins 90 civils, et pourrait s'avérer une des plus bavures les plus meurtrières des forces internationales en sept ans.

Les nouvelles investigations, annoncées par leur commandant, le général David McKiernan, intervient au moment même où une organisation non-gouvernementale, Human Rights Watch (HRW), dénonce l'augmentation du nombre de civils tués par les frappes étrangères ces dernières années.

«Au vu de nouveaux indices ayant trait aux victimes civiles de l'opération contre les insurgés du 22 août dans le district de Shindand, dans la province d'Herat, j'estime prudent de requérir du Commandement central américain l'envoi d'un officier général pour réexaminer l'enquête américaine et ses conclusions», a affirmé dimanche le général McKiernan dans un communiqué.

Selon le général Richard Blanchette, porte-parole de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'OTAN, ces nouveaux indices proviennent d'images vidéos montrant des morts, dont des enfants.

«Il s'agit d'images vidéos qui ont été mises sur la table», a-t-il déclaré, ajoutant qu'elles ont été «enregistrées sur un téléphone portable par un habitant du village» bombardé.

La vidéo, dont l'AFP a obtenu copie, montre au moins 30 corps, dont plusieurs enfants, roulés dans des linceuls et des couvertures alignés dans une mosquée.

Le 2 septembre, la coalition Operation Enduring Freedom, commandée par les États-Unis, avait affirmé qu'une enquête interne avait confirmé la mort de «cinq à sept» civils et de 30 à 35 talibans au cours du bombardement du village d'Azizabad, démentant implicitement le chiffre de 90 avancé par les autorités afghanes et l'ONU.

Une enquête sur place des Nations unies avait même conclu que 60 enfants figuraient parmi les tués.

«L'ONU maintient ses conclusions», a affirmé lundi le porte-parole de la mission des Nations unies à Kaboul, Adrian Edwards.

Cette première enquête américaine avait été menée sur la base des témoignages de plus de 30 participants, tant Afghans qu'Américains, ainsi qu'à partir de films vidéos, de photographies topographiques, notamment des tombes, et d'informations en provenance des hôpitaux et des services de renseignement, selon la coalition.

Ce bombardement avait relancé la controverse sur le nombre de civils tués par les forces de la coalition et de l'OTAN en Afghanistan et a amené le gouvernement de Kaboul à affirmer vouloir renégocier les termes de la présence des forces internationales dans le pays.

Selon un rapport de HRW publié lundi, le nombre de civils tués dans des bombardements a triplé entre 2006 et 2007, et d'autres erreurs de frappe, cet été, ont encore exacerbé la colère des populations.

Au moins 929 victimes civiles ont été dénombrées en 2006 en Afghanistan, dont 230 tuées lors d'opérations de la coalition -- 116 dans des bombardements, selon le HRW.

En 2007, au moins 1.633 civils ont été tués, dont 321 par des bombardements.

Au cours des sept premiers mois de 2008, pas moins de 540 civils ont été tués, dont 119 dans des bombardements, selon HRW, qui ne compte pas les victimes d'août.

Le HRW reconnaît que les talibans se réfugient souvent parmi les populations pour tenter d'échapper aux forces de la coalition, mais il reproche aux Américains de ne pas toujours immédiatement reconnaître leurs torts lors de «bavures».