«Vous pensez donc que votre parti est le seul qui puisse réparer les dégâts qui ont été causés... par votre parti?»

La question moqueuse de l'humoriste John Stewart, posée jeudi soir au politicien républicain Mike Huckabee, résume bien le défi qui attend John McCain au cours des huit prochaines semaines.

Huckabee, ancien gouverneur de l'Arkansas, est généralement l'un des politiciens américains les plus amusants en entrevue. Mais à la question de Stewart, il s'est contenté de répondre « oui ». Platement.

On peut le comprendre. Le paradoxe saute aux yeux. Et il a de quoi rendre mal à l'aise tous les républicains, même ceux qui sont dotés d'un sens de l'humour exceptionnel.

Alors que débute le sprint final vers l'élection présidentielle, McCain a décidé de promettre du changement. S'il est élu, il fera le ménage à Washington, a-t-il lancé au Minnesota lors de la convention de son parti.

Le hic, c'est que les républicains – McCain compris – détenaient pratiquement tous les leviers du pouvoir à Washington depuis huit ans.

McCain est donc coincé. Un peu comme l'était Paul Martin dans la foulée de la fin de règne tumultueuse de Jean Chrétien et du scandale des commandites.

Le Chrétien de McCain, c'est bien sûr George W. Bush, dont le rôle a été réduit à sa plus simple expression cette semaine. Il ne s'est même pas déplacé à Saint Paul. Avant lui, le dernier président sortant à briller par son absence lors de la convention de son parti a été Lyndon Johnson en 1968!

Sur le terrain d'Obama

Il n'y a pas que Bush qui pose problème. Le sénateur de l'Arizona a lui-même un sérieux handicap. Difficile de parler de changement avec crédibilité quand on siège au Congrès américain depuis 26 ans.

Grosse commande pour McCain, donc. Ce n'est toutefois pas la première fois qu'il doit relever un défi insurmontable. On ne l'a pas surnommé Lazare pour rien.

Rien ne permettait de croire, l'an dernier, qu'il remporterait la course à la direction de son parti. Et pourtant...

Sa stratégie actuelle est toutefois différente. S'il a réussi à devancer ses rivaux républicains, c'est parce qu'il a pu les entraîner sur le terrain de la sécurité nationale.

Cette fois, c'est McCain qui se laisse entraîner par un rival (Barack Obama) sur un terrain qui, pour lui, est miné. Celui du changement.

Ras-le-bol historique

Pourquoi? Les stratèges du candidat républicain ont dû constater qu'ils étaient au pied du mur. Car le ras-le-bol est à son comble en sol américain.

Il y a de quoi broyer du noir : hier, on a annoncé que le chômage a atteint son plus haut taux en cinq ans et que les emplois continuent à disparaître à un rythme alarmant. Au cours des huit derniers mois, l'économie en a supprimé 605 000.

Vers la gueule de bois ?

Jamais, depuis la fin des années 70, on n'avait vu un tel désir de changement chez les Américains.

À l'époque, le républicain Ronald Reagan avait surfé sur cette vague. Et il n'avait fait qu'une bouchée du démocrate Jimmy Carter.

Pour éviter de se faire écraser par Obama, McCain a joué son va-tout en misant sur une jeune colistière présentée comme une réformiste. À court terme, il a remporté son pari.

En un seul coup de dé, il a consolidé son emprise sur la base du parti, y compris les chrétiens évangéliques, et il a dopé les délégués républicains. Peu enthousiastes avant le discours de Sarah Palin, ils ont quitté la convention gonflés à bloc.

Mais Palin a beau se comparer à un pitbull, elle n'a pas encore fait ses preuves. Et les premiers sondages à son sujet laissent croire que bon nombre d'Américains jugent son expérience insuffisante.

Les prochaines semaines permettront rapidement de voir de quel bois elle se chauffe. Et de savoir si les républicains, enivrés grâce à elle par l'odeur d'une victoire récemment jugée hors de portée, se réveilleront avec une gueule de bois au lendemain du scrutin.