Le président turc, Abdullah Gül, est arrivé samedi en Arménie pour une visite historique, la première d'un chef d'Etat turc dans ce pays où il rencontre son homologue, Serge Sarkissian, avant d'assister avec lui à un match de football entre les deux nations.

L'avion présidentiel a atterri à 14h40 (7h40 HAE) à l'aéroport de Zvartnots, où M. Gül a été accueilli par le ministre arménien des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian, a constaté un journaliste de l'AFP.

Plusieurs centaines de manifestants ont formé dans le calme une chaîne humaine aux abords de l'aéroport d'Erevan pour protester contre cette visite.

Les participants arboraient des drapeaux arméniens et des drapeaux rouges frappés de l'emblème du parti nationaliste Dachnak Tsoutioun, brandissant des pancartes où était écrit «Reconnaissez le génocide», «ouvrez la frontière sans pré-condition» en anglais, turc ou arménien.

C'est la première visite d'un chef d'Etat turc en Arménie après de deux décennies de silence diplomatique entre les deux pays, en raison du passé tourmenté liant la Turquie et l'Arménie.

«Mon souhait est que ce match aide à lever les barrières séparant deux peuples qui partagent une histoire commune et contribue à l'amitié et la paix dans la région», a déclaré M. Gül, avant son départ pour Erevan, en allusion à la rencontre Arménie-Turquie, match de qualification pour le mondial 2010 de football programmé dans la soirée.

Des mesures de sécurité renforcées étaient en vigueur dans la capitale arménienne à l'occasion de cette visite et du match, selon des officiels et médias arméniens. Une dizaine de voitures assuraient la sécurité du cortège présidentiel comprenant une trentaine de véhicules, a constaté l'AFP.

M. Gül est le premier président turc à se rendre en Arménie depuis l'indépendance en 1991 de cette ex-république soviétique, avec laquelle Ankara n'entretient pas de relations diplomatiques en raison de divergences sur le caractère des massacres d'Arméniens commis entre 1915 et 1917 en Anatolie.

L'Arménie estime que ces massacres commis sous l'empire ottoman ont fait jusqu'à 1,5 million de morts et constituent un génocide, une position adoptée par plusieurs pays.

La Turquie rejette catégoriquement ce qualificatif tout en admettant que des massacres ont été perpétrés après que les Arméniens eurent pris les armes pour arracher leur indépendance et Ankara accuse Erevan de nuire à ses intérêts en menant campagne à travers le monde pour une reconnaissance du génocide.

La Turquie a par ailleurs fermé sa frontière avec l'Arménie en 1993 pour soutenir l'Azerbaïdjan turcophone dans son conflit avec l'Arménie sur la région du Nagorny-Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens en territoire azerbaïdjanais dont la sécession a conduit à une guerre entre les deux pays.

Depuis vendredi, six avions en provenance de Turquie ont atterri à Erevan, avec des supporteurs turcs à leur bord, selon des sources à l'aéroport.

Mais là encore la discrétion était de mise, selon les témoignages des employés de l'aéroport: quelques casquettes aux couleurs turques, mais pas de drapeaux ou de maillots.

En dépit de sa forte portée symbolique, peu d'avancées concrètes immédiates étaient attendues de cette «diplomatie du football», comme l'ont surnommée de nombreux médias.

Les deux présidents devaient, selon des sources diplomatiques, éviter les sujets bilatéraux, jugés trop délicats, et concentrer leurs discussions sur des questions régionales comme la proposition de la Turquie de créer un forum de coopération pour le Caucase afin d'apaiser les tensions après le conflit ayant opposé en août la Russie et la Géorgie.